Annales des Mines (1856, série 5, volume 9)
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43o Altération des canons en fonte.
DANS LE NORD DE L'EUROPE.
NOTES SUR L'EXPLOITATION DES USINES
On n'a pas, que je sache, fait d'observations approfondies sur le mode d'altération qu'éprouve par l'usage la fonte à canons : seulement on sait que cette
altération est fort peu apparente (1); et, quand on examine l'âme d'une pièce qui a éclaté après un long service, c'est seulement à l'aide de la loupe que l'on peut reconnaître la détérioration et discerner de petites crevasses. Il n'y a point ici d'affouillement comme dans les pièces en bronze ; et, c'est même cette circonstance
qui, dans beaucoup de pays, a empêché de devenir général (2) l'usage des canons en fonte. Car la difficulté de pouvoir constater si une pièce n'est pas arrivée à un état tel qu'il y ait danger d'explosion, et qu'il faille la mettre au rebut, cette difficulté détruit la con(i) La dégradation produite par le tir dans les bouches à feu doit être fort complexe : il y a d'abord un effet chimique, provenant de l'action des vapeurs nitreuses et sulfureuses, ainsi que de la tendance du soufre à former avec le fer un sulfure, qui est cassant : il y a, en outre, un effet mécanique de désagrégation, produit par les gaz qui tendent à s'introduire entre les particules de fonte et de graphite, à y produire des affouillements ou de petites fissures. Néanmoins, cette désagrégation est fort peu marquée, et il est vraisemblable que le tir répété un grand nombre de fois produit dans la fonte des canons une modification moléculaire, comparable à celle qu'un long usage développe dans les essieux des locomotives. Lors même qu'une pièce a subi avec succès une très-forte épreuve, sa cohésion a été altérée, et il n'est pas rare de la voir éclater peu de temps après, sous une charge modérée. D'un autre côté, le tir ordi-
naire, répété dix-huit cents à deux mille fois, produit une modification lente, un affaiblissement de cohésion qui équivaut à l'altération produite instantanément par une épreuve à outrance. (2) En France, l'usage des canons en fonte est limité à l'ar-
tillerie de marine et à l'armement des places fortes; on ne les emploie pas de même que dans les pays du Nord, comme pièces de campagne. Cependant, comme celles-ci ont un dia-
mètre plus petit eu égard à leur longueur, leur résistance à 1:explosion est relativement plus considérable, car la portion
fiance que l'on aurait à s'en servir. Souvent, c'est d'après l'état de conservation de la lumière que l'on juge si la pièce est en bon état ; on la rebute quand la lumière est échancrée ou dentelée. Mais cet indice n'a aucune précision, car il arrive maintes fois que la lumière se détériore avant que la pièce soit devenue mau-
vaise (s); et même, dans beaucoup de pays, on a pris l'habitude de loger dans le canon un grain de lumière confectionné à part, en bronze ou en acier. Dans ce cas, on n'a plus de guide et l'on se borne à mettre la pièce au rebut, lorsqu'elle a tiré un certain nombre de coups. Mais c'est ici que se manifeste la supériorité de l'artillerie suédoise ; en effet, tandis que les canons en fonte d'autres pays doivent être mis au rebut après s000 à I . 2 oo coups, ceux de la Suède supportent, sans danger d'explosion, 1.800 à 2 .000 coups; on ne les rejette même que quand ils ont éprouvé une détérioration bien marquée ; et l'expérience a prouvé que, plus le métal était blanc, plus il pouvait rester de temps en état de service.
Aussi, indépendamment de la surveillance de la marche du haut fourneau, les officiers chargés de la réception des bouches à feu tiennent surtout à s'assurer si la fonte a une blancheur suffisante. Voici quel est, à cet effet, l'usage suivi depuis longtemps : au commencement de la campagne, on coule plusieurs petits cylindres en fonte que l'on brise : on en choisit un dont la de l'âme qui renferme la charge occupe plus d'étendue, et par suite l'effort produit par la force expansive sur l'unité de surface est moindre. D'ailleurs nous verrons plus loin que le poids des canons en fonte n'excède pas beaucoup celui des pièces en bronze.
(i) La lumière des canons en fonte suédois résiste à six ou sept cents coups, tandis que trois ou quatre cents suffisent pour dégrader la lumière des bouches à feu en fonte anglaise.
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