Révisions de la page | Historique de transcription | Annales des Mines (1857, série 5, volume 11)

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ÉTUDES

crues sur les lits de déjection, suivant qu'elles sont excessives ou. modérées.

Si l'on parcourt un lit de déjection après un débordement dû à une crue excessive, on ne voit pas de trace du chenal dans lequel le torrent coulait auparavant; il a été entièrement comblé. De longues traînées de matières fraîchement déposées indiquent seulement que

les eaux se sont déversées à droite et à gauche. On remarque en outre à la surface du sol un grand désordre. La houe, les gros blocs et les menus fragments caillouteux y sont entassés confusément et distribués d'une manière irrégulière. Si quelque temps après en supposant que dans l'intervalle il soit survenu des crues modérées, on visite le même lit de déjection, son aspect n'est plus le même. Les eaux, au lieu de couler en nappe ou en filets très-divisés, comme après le débordement, sont parvenues à se creuser un lit dans le sein des déjections. Ce lit est en général sur le prolongement de la direction que le courant tend naturellement à prendre. Dans son intérieur, la boue et les petits débris ont disparu ; il n'y reste que des cailloux de diverses grosseurs. Si les crues modérées continuent, ce chenal s'agrandit de plus en plus. Au bout d'un certain temps il est assez

profond pour contenir toutes les eaux du torrent à l'époque des crues médiocres. Cet état de choses persiste jusqu'à ce qu'il survienne une autre crue excessive. Alors les matières charriées en grande masse comblent de nouveau le chenal qui avait été si laborieusement creusé, et un second débordement a lieu ; puis l'érosion recommence et le torrent parvient encore à s'encaisser. Cette alternative de dépôt et d'érosion est un fait générai, quelle que soit la classe à laquelle le torrent appartienne; ses résultats sont surtout manifestes à l'époque de l'étiage, dans les rivières torrentielles. On voit alors

SUR LES TORRENTS DES ALPES.

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çà et là de grandes nappes de cailloux à surface à peu près horizontale, qui indiquent le niveau du lit au moment de la dernière crue excessive. La continuité de ces nappes caillouteuses est interrompue par des sillons plus ou moins larges , quelquefois très-profonds, qui sont évidemment le produit d'une érosion postérieure, soit que cette érosion ait eu lieu à la fin de la crue exces-

sive, ou que plutôt elle soit due aux crues modérées qui l'ont suivie. Ces observations prouvent qu'il y a des crues d'un caractère très-différent : les unes étant encombrantes et les autres affouillantes. On en tire cette autre conséquence, que l'exhaussement annuel d'un lit de déjection est toujours la différence des effets opposés de ces

crues, c'est à-dire égal à l'excès de l'apport des premières sur le déblai opéré par les secondes. il nous reste à expliquer pourquoi les crues excessives sont toujours encombrantes dans les lits de déjection, tandis que les crues modérées donnent lieu à des affouillements, surtout quand elles se succèdent à de courts intervalles : cela tient aux modes de transport

essentiellement différents qui les caractérisent. Une crue excessive, en remuant jusque dans ses profonr deurs le lit supérieur d'un torrent, met en mouvement une masse énorme de graviers et de cailloux de toutes les dimensions, depuis le grain de sable jusqu'au gros bloc. Lorsque survient la période de saturation, leur dépôt est continu et abondant; ils ont bientôt comblé le chenal du lit de déjection ; de là des débordements et l'abandon par le torrent de toutes les matières charriées. Si la crue est modérée, le transport n'est que partiel ; il s'exerce seulement sur des cailloux de la surface et de médiocre grosseur. Leur quantité est par conséquent fort petite relativement à ceux du transport