Révisions de la page | Historique de transcription | Annales des Mines (1863, série 6, volume 4)

LocomortvE ARTICULÉE 94 d'accoupler les roues des essieux convergents ; et, en effet , une

fois en possession de ce mécanisme d'accouplement, il devient facile de donner à la machine une grande flexibilité tout en disposant de tout son pouvoir adhérent sans y être limité par l'écartenient des roues extrêmes, qui peuvent dès lors s'inscrire dans les courbes, et la puissance de la machine peut s'étendre pour ainsi dire indéfiniment, par la possibilité que l'on a d'accoupler toutes les roues, et de donner en même temps au foyer et à l'appareil évaporateur les plus grandes dimensions. Le type de machine qui me paraît dès à présent remplir les meil-

leures conditions au point de vue de l'exploitation à la fois des lignes à grand trafic et des chemins à fortes rampes et à petites courbes, serait une locomotive à huit roues couplées, de im,50 de diamètre, du poids en charge de 40 à 45 tonnes, et munie d'un générateur de 150 mètres quarrés de surface de chauffe. Cette machine

serait supportée par deux châssis dont l'un serait rendu mobile, lesquels porteraient chacun deux essieux respectivement parallèles accouplés au moyen de bielles. La transmission du mouvement de rotation des roues serait complétée pour les essieux convergents les plus rapprochés des différents châssis, par un appareil que j'ai imaginé et dont je vais donner plus bas la description.

Jusqu'à présent, les bielles rigides horizontales ont été le seul moyen pratique employé pour accoupler les roues des locomotives;

mais ce procédé, qui permet d'utiliser pour l'adhérence le poids total des machines ordinaires dont le parallélisme des essieux est maintenu par un châssis rigide, est d'une application impossible lorsqu'il s'agit d'établir la solidarité entre les essieux convergents des locomotives articulées qui sont fixés à des châssis mobiles, parce que ces bielles, formées d'une tige rigide dont la longueur ne peut varier , s'opposent aux mouvements angulaires que les essieux mobiles prennent dans les courbes. La difficulté consiste donc à trouver des bielles qui s'allongent et se raccourcissent suivant que les roues auxquelles elles transmettent le mouvement parcourent l'extérieur ou l'intérieur de la courbe, et faire que la bielle qui doit s'allonger profite du raccourcissement de celle placée du côté opposé de la machine, et réciproquement. Une autre condition à remplir, c'est celle d'obtenir que ces bielles, tout en variant de longueur en raison du déplacement des essieux, conservent cependant toute la rigidité nécessaire pour transmettre le mouvement de rotation des roues. Ce résultat ne peut être obtenu qu'au moyen d'un système articulé, et voici celui que je propose :

A DOUZE ROUES COUPLÉES.

95.

Exactement au milieu de la distance que séparent deux essieux convergents , et de chaque côté de la machine, je place verticalement un balancier dont les longueurs de bras, égales d'ailleurs, sont un peu plus grandes que le rayon des manivelles d'accouplement des roues ; je réunis ensuite par des bielles rigides les extrémités des balanciers aux boutons de ces manivelles, et il arrive que, dans le mouvement de la machine, les balanciers décrivent un arc de cercle pendant le temps que les manivelles décrivent une circonférence (Pl. V, fig. 5). Si l'on compare les éléments de chaque circonférence de roues entraînées dans un temps donné, on les trouve identiques; si ensuite on examine les points morts ou énergiques des manivelles, on voit qu'ils correspondent aux mêmes positions sur le balancier oscillatoire; ce qui fait conclure que, puisque d'une part l'entraî-

nement ayant lieu régulièrement d'une roue à l'autre, et que, d'autre part, l'effort du piston étant transmis à l'adhérence de la même manière qu'il a lieu à l'essieu moteur, le nouveau système d'accouplement est aussi rationnel que le procédé ordinaire à bielles horizontales.

Dans les courbes, les variations de distance entre les essieux convergents se trouvent compensées sur l'arc décrit par le balancier ; c'est-à-dire que, le balancier commençant ou finissant sa course un peu plus tôt ou un peu plus tard, l'arc de cercle n'est plus symétrique par rapport à la verticale qui passe par le centre du balancier (fig. 6).

La difficulté qui consistait à trouver des bielles pouvant s'allonger

et se raccourcir, tout en transmettant le mouvement, se trouve donc résolue par cette disposition : voilà pour le principe. Voyons maintenant quelles sont les autres conditions que ce système doit remplir.

Si la machine était montée sur deux châssis articulés en leur milieu par une cheville, comme le sont par exemple les wagons américains (fig. 7), le système d'accouplement pourrait fonctionner

régulièrement dans toute sa simplicité, parce que la condition essentielle à son fonctionnement régulier se trouve dans la position du centre du balancier, qui doit toujours être placé à une distance exactement égale des centres des bouts des essieux les plus rapprochés.

Dans l'exemple que nous prenons, cette équidistance serait toujours obtenue, puisque, dans un pareil système, un châssis portant un groupe d'essieux ne pourrait pas se déplacer sans que l'autre châssis fît un mouvement exactement semblable par rapport au