Annales des Mines (1863, série 6, volume 4)
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CATASTROPHE DES MINES DE LALLE (GARD).
TRAVAUX DE SAUVETAGE.
jusqu'à la galerie Sainte-Barbe, où ils sont reçus par le doc. teur Vidal, enveloppés dans des couvertures chaudes, reculfortés par quelques cuillerées de bouillon et de café, couchés sur des lits, et amenés doucement au dehors dans un silence absolu, recommandé pour leur éviter toute émotion. Ils sont de là transportés à l'hôpital des forges, Où ils reçoivent les soins des médecins de la compagnie. Sur leur indication, on retrouve au bas de la remontée le corps de leur camarade Verger, qui n'a pu soutenir l'épreuve à cause de son âge et de sa mauvaise santé. J'ai fait relever exactement et rapporter sur le plan n° 2
les travaux exécutés. La longueur totale des galeries du descentes est de 112",31. Le cube total des vides est de 147 mètres cubes. L'ouvrage en descente qui a percé dans la troisième remontée et qui n'a pas été interrompu un seul instant pendant les soixante-dix-huit heures de travail, a 22-,56 de longueur. Cet avancement d'un seul chantier donne une mesure de l'activité déployée; il aurait fallu environ un mois pour le faire dans les conditions de travail ordinaire.
Les travaux de sauvetage avaient duré du samedi soir 12 octobre à six heures du soir jusqu'au mardi soir 15 octobre à minuit, c'est-à-dire soixante-dix-huit heures. Voici quelques détails recueillis de la bouche de Mouton et Thérond sur les circonstances de leur 'captivité. Ils travaillaient eux et Verger au chantier de dépilage de la couche Sainte-Barbe; ils entendent tout d'un coup arriver les eaux et se hâtent d'abandonner leur ouvrage, emportant seulement leurs lampes; ils gagnent la galerie plate du niveau supérieur VV, et se réfugient dans la troisième remontée Rn (Pl. VII, fig. 2), très-glissante et très-inclinée. Les eaux ferment presque aussitôt l'entrée de la remontée et dépassent le toit de la galerie plate. Thérond et Mouton se sont élevés jusqu'au sommet de la remontée. Avec leurs mains et les crochets de leurs lampes, ils creusent dans le schiste du sol
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une petite planche pour s'asseoir. Verger est un peu au-
dessous d'eux établi de la même façon. Ils se trouvent alors
dans une cloche d'air soumise à une pression de trois atmosphères environ, la diffé,rence du niveau de l'eau dans la remontée et en dehors de la remontée a été de 20 mètres environ au moment de la crue; ils éprouvent des bourdonnements dans les oreilles, et la voix leur semble assourdie.
Leurs lampes se sont éteintes, ils frappent fréquemment avec leurs souliers sur les parois de la remontée pour appeler du secours. Ainsi que je l'ai dit plus haut, cet appel ne fut entendu et constaté que le samedi, vingt-quatre heures après l'événement ; alors seulement les captifs obtiennent une réponse et comprennent qu'on vient à leur délivrance ; Verger, qui ne devait malheureusement pas revoir le jour, verse des larmes de joie. D'après les mesures prises dans les puits Terrèt et Sainte-Hortense, c'est seule15 octobre au lundi 14 que l'ouverture de la remontée a dû être libre, et que la pression de l'air,
ment du dimanche
après avoir graduellement diminué, est redevenue norMale.
Mouton, pressé par la soif, est descendu dans la galerie plate avec de l'eau jusqu'à la poitrine ; il se dirige à tâtons vers la quatrième remontée, cherche inutilement un passage dans les remblais, et regagne sa place, guidé par la voix de
ses camarades ; le travail incessant qu'ils entendaient audessus de leur tête leur donne du courage ; le jeune Thérond, âgé de dix-sept ans, cédait fréquemment au sommeil ; il serait tombé sans le secours de Mouton, qui le soutient dans ses bras comme un enfant pendant de longues heures, et le préserve ainsi de la mort.
Dans l'après-midi de lundi, nous venions de placer au troisième chantier le ventilateur à engrenage, qui faisait beaucoup de bruit; Mouton et ses deux camarades se- crurent perdus ; ils pensaient que les eaux s'élevaient de nouveau, et, ignorant la sécurité qui leur était assurée par la compression de l'air dans la remontée, ils s'attendaient à