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NOTES GÉOLOGIQUES SUR L'OCÉANIE ,

très-forte, son lit est couvert de galets ronds et mobiles qui

obligent à prêter une grande attention à sa marche, sous peine de glisser et de se voir emporté plus ou moins loin par ces eaux rapides et tumultueuses. Souvent, vers le centre de la circonférence du cirque, on

observe des cônes de 100 à 2 oo mètres d'élévation, derniers vestiges et témoignages des montagnes qui existaient là autrefois et que les eaux ont rongées à la longue. La rivière contourne ces pains de sucre en se divisant d'habitude en deux bras. Au bout de cinq heures d'une marche très-pénible, nous étions en un point où la rivière se sépare en deux torrents, qui contournent une muraille de roches élevée et presque verticale, qu'il nous fallait gravir ; c'est seulement par trations à travers ce mur que les deux torrents se forment,

car, à une certaine hauteur, ils disparaissent totalement. Une multitude de Feis, cette banane sauvage si précieuse pour l'alimentation des indigènes, s'élèvent de toute part dans ce lieu abrité comme une véritable serre. Nous franchîmes cet obstacle en suivant sur notre droite une pente très-roide ; nous longeâmes pendant quelques instants une faille à peine large de i mètre et qui semblait extrêmement profonde; nous passâmes auprès des débris

d'un fort (15) élevé par les Tahitiens à l'époque de leurs guerres contre nous, et c'est dans la faille que je viens de citer que, de peur de profanations de notre part, ils faisaient

à jamais disparaître les cadavres des leurs. Mais là n'est pas seulement l'intérêt que présente cette solution de continuité dans le sol ; elle nous servira à expliquer la formation d'un lac, dominant ainsi une vallée, à la suite de la chute ou du glissement d'une masse énorme de roche, qui serait ainsi venue se mettre en travers de cette gorge et intercepter le passage du torrent. Arrivés au sommet de ce pénible passage, nous étions sur un vaste plateau, extrêmement fertile; on traverse cet

40-i espace, on remonte pendant quelques instants une croupe ou plutôt une forte ondulation de terrain, on redescend un peu, on sort subitement des fourrés qui cachent l'horizon, et l'on est en présence du lac de Vaihiria (16) , élevé de LES ÎLES TAHITI ET LAPA.

452 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ce lac occupe la partie inférieure d'un vaste entonnoir, ouvert seulement à peine du côté de la vallée par laquelle on arrive ; le long des parois de ce cône renversé, mille cascades éternelles descendent d'un bond jusqu'à ses pieds;

les lignes blanches qu'elles tracent dans l'air contrastent vivement avec les couleurs brunâtres de ces berges élevées, qu'assombrissent encore constamment de gros nuages qui

se meuvent avec lenteur sur leurs sommets et sur leurs flancs; le mugissement de ces eaux en furie trouble seul cette sauvage solitude et l'on imaginerait difficilement un spectacle qui offre plus de majesté et de grandeur.

Il pleut presque toujours à ces altitudes, ce qui s'explique par le refroidissement qu'éprouvent les couches basses des brises de la mer, toujours à peu près saturées d'eau, lorsqu'elles remontent le long des flancs de ces montagnes où la température est assez basse. Les bords du lac., à droite et à gauche du point d'arrivée, sont impraticables, et pour se rendre sur l'autre rive, on est obligé de traverser à la nage, à demi supporté par quelques tiges de Feis juxtaposées. C'est en évaluant le temps employé par un indigène pour se rendre ainsi sur l'autre bord que nous avons eu une première appréciation sur la largeur du lac. Cet homme mit seize minutes pour passer sur l'autre rive, et il parcourait environ 55 mètres par minute : total, 56o mètres. Une balle de fusil lancée horizontalement, après plusieurs ricochets, allait bien près de l'autre bord, et nous calculions que la portée de nos balles, dans les circonstances de l'opération, était de 5oo à Goo mètres. La largeur du lac n'est que d'environ 15o mètres.