Annales des Mines (1867, série 6, volume 11)
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SALURE DU SOL DE LA CAMARGUE.
sur ce que le terrain d'alluvion, dont elle est entièrement formée, s'est déposé dans le sein de la mer, on a pensé qu'il était resté imprégné du chlorure de sodium, que celleci tient en dissolution. Quelques savants ont cru plutôt qu'il fallait admettre l'existence de sources salées cachées à l'intérieur du sol. D'après une troisième opinion, qui est la plus généralement adoptée, la contrée aurait pour base une nappe d'eau salée, sans cesse alimentée par des filtrations de la mer. L'action de la capillarité ferait remonter l'eau de cette nappe jusqu'à la surface des terres, où, étant concentrée par l'évaporation, elle abandonnerait du sel. Aucune de ces explications ne paraît admissible, ainsi que l'on va en juger. On peut objecter avec beaucoup de raison à la première hypothèse, d'après laquelle le sel serait contemporain de la formation du terrain, que dans ce cas il aurait disparu depuis longtemps, ou que, tout au moins, sa proportion serait devenue insensible. Il n'aurait pu résister aux actions chimiques qui tendent à le décomposer au sein des terres calcaires, ni surtout aux lavages répétés que les pluies abondantes opèrent depuis des siècles. Or, loin que sa proportion
se soit affaiblie, elle paraît au contraire avoir augmenté, ainsi que l'indiquent quelques faits qui seront rapportés plus loin. On doit en conclure qu'il est sans cesse entretenu par une cause permanente. L'existence de sources salées, qui, au reste, n'a été ad-
mise qu'avec beaucoup de doutes, nous paraît inconciliable avec l'observation. La salure de la Camargue ne se manifeste pas sur des points isolés ; elle est générale et l'on comprend difficilement que des sources, même nombreuses,
pussent étendre leur influence sur toute la surface d'une contrée. Il ne serait pas moins inconcevable que l'exis-
tence d'aucune d'elles n'eût pu encore être constatée. D'un autre côté, on remarque que les terrains sableux sont ceux qui contiennent le moins de sel ; il est surtout abon-
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dant dans les terres argileuses. Or s'il était amenè par un liquide exerçant une pression de bas en haut, ce serait le contraire que l'on observerait. Les terres argileuses seraient un obstacle à son arrivée et les sables lui livreraient un passage facile. Quant à, la troisième opinion, qui admet l'existence d'une
nappe d'eau salée souterraine remontant jusqu'à la surface par voie de capillarité, elle est un exemple remarquable de la facilité avec laquelle une explication scientifique peut s'accréditer malgré son peu de fondement, lorsqu'elle est
spécieuse et qu'elle repose sur des théories physiques vraies en elles-mêmes, quoique non applicables à la question. Nous ferons d'abord remarquer que l'idée d'une nappe d'eau salée passant sous la Camargue est une pure hypo-
thèse, qui ne pourrait avoir quelque vraisemblance que s'il existait au niveau de la mer ou à un niveau inférieur, une couche sableuse très-étendue, facilement perméable. Au contraire, les sondages n'ont fait découvrir jusqu'à présent à cette profondeur qu'une argile très-compacte, inaccessible aux filtrations. Il y a plus : des puits creusés dans l'intérieur de la plaine, à une grande distance du Rhône, ont rencontré de l'eau douce à un niveau inférieur à celui de la mer. Ce fait est inconciliable avec la présence d'une coach
salée aquifère qui aurait dû être traversée par ces puits. La capillarité, à laquelle on fait jouer un si grand rôle, ne peut pas faire monter l'eau à une hauteur indéfinie. Des expériences que nous allons rapporter prouvent que son action sur les terres s'exerce entre des limites assez étroites.. M. de Gasparin ayant rempli un tube avec de la terre desséchée, renfermant 12 p. ioo d'argile, a plongé l'une de ses extrémités dans de l'eau salée. Au bout de cinq jours, l'eau s'est élevée à la hauteur de om,4o, qu'elle n'a jamais
dépassée. Dans une autre expérience, où la teneur de la terre en argile était de 3o p. ioo, l'eau n'a atteint que om,39, et son ascension a été beaucoup moins rapide que