Annales des Mines (1876, série 7, volume 10)
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EMPLOI EXCLUSIF DES RAILS D'ACIER
jusqu'à dix fours Martin s'est établie dans le voisinage. Le mouvement s'est propagé jusqu'en Bohême où,: à Te,plitz, Teschen, à Kladno, à Sbirow, des ateliers Bessemer se sont fondés, sans grandes ressources en minerais et en combus-
tibles, mais avec la confiance extrême qui signale ces époques malheureuses. La crise financière, avant-coureur certain de la crise industrielle, est survenue en mai 1875, au moment où l'Exposition universelle montrait à l'Europe _e produit de ces 'excès. La construction des nouveaux chemins de fer a été subitement arrêtée; les lignes construites, voyant décroître leurs recettes, ont réduit à leur tour les commandes de matériel pour leur entretien, faites dans les temps prospères avec une certaine prodigalité. Le malaise est venu, puis la gêne, puis la ruine. Les établissements voisins de la capitale et doués d'une vie purement artificielle ont été les premiers à éteindre leurs feux; ils en ont entraîné de plus forts dans la débâcle, et depuis deux ans on voit les sociétés métallurgiques les plus puissantes fermer leurs comptes d'exercice avec un déficit de plusieurs centaines de mille florins, sans qu'aucun symptôme certain fasse prévoir la fin prochaine de cette période douloureuse, En Allemagne, les mêmes faits se sont produits pour des raisons analogues. De tout temps les Allemands ont aimé à faire grand. Il y a bien des années déjà qu'en traversant
le bassin de la Ruhr, on était frappé par l'aspect de ces constructions monumentales qui faisaient du bâtiment d'un puits de mine une sorte de citadelle, et donnaient à la halle de coulée d'un haut fourneau les allures d'un château gothique. La gloire des armes ne pouvait qu'augmenter cet orgueil industriel et en accentuel' les manifestations. Après la guerre, de vastes usines ayant, comme partout, surtout en vue la fabrication de l'acier, se sont dressées dans la région comprise entre Ruhrort et Dortmund, où la présence d'un bassin houiller admirable et le voisinage des minerais de Siegen et au besoin des fontes anglaises, donnaient, à
PAR LES COMPAGNIES DE CHEMINS DE FER.
4/ vrai dire, à ces nouveaux établissements de grandes chances de succès. Mais, dans l'industrie (que de fois ne l'a-t-on pas éprouvé!),
II ne suffit pas d'examiner comment et combien on peut produire, mais il faut surtout savoir comment et combien on peut vendre. C'est un calcul que ces luxueux établissements paraissent avoir fait un peu à la légère, car ce sont eux qui, dans l'Europe entière, offrent dans ce moinent les prix les plus bas pour les rails d'acier, sans y être autorisés par un prix de revient beaucoup plus favorable que celui de leurs concurrents étrangers. Ils sont donc nés pour souffrir et pour faire souffrir les autres, ce qui est plus attristant. Ces faits généraux exposés, entrons dans quelques détails sur les conséquences pratiques de cet excès de production, c'est-à-dire sur la baisse des prix qui en a été forcément la conséquence. A la naissance de l'acier Bessemer, qui coïncidait du reste avec une crise générale de l'indus-
trie métallurgique, le prix des rails en acier variait à peu près dans toute l'Europe de 400 à 45o francs la tonne, et celui des bandages sans soudure, de 600 à 700 francs. A cette époque, avouons-le, les usines françaises, plus atteintes par la stagnation des affaires que celles des voisins,
furent les premières à pousser à la baisse. Tandis qu'en Angleterre, où pourtant la fabrication du métal Bessemer prenait un grand essor, en Allemagne, où les usines d'Essen, de Bochum et de Ho3rde s'efforçaient aussi de propa-
ger l'emploi du nouveau produit, les prix de vente se maintenaient dans les limites ci-dessus indiquées, l'usine de Terrenoire passait, en 1863 et 1869, avec la compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée, des marchés importants à des prix inférieurs à 5oo francs par tonne. C'étaient de grandes concessions pour l'époque et hors de proportions avec la situation générale du marché ; les autres usines françaises durent toutefois suivre le mouvement, et au moment où la