Annales des Mines (1881, série 7, volume 19)
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LES LIGNITES
botaniquement d'une façon précise. Il ne faut donc pas songer à reconstituer la flore génératrice du lignite aussi complètement qu'on a pu le faire pour la houille, dont les assises renferment parfois des végétaux entiers, admirablement conservés jusque dans leurs organes les plus délicats. Toutefois l'absence de végétaux fossiles dans les couches
mêmes de lignite doit faire penser que ce combustible a été engendré par des plantes d'ordre inférieur, analogues à celles qui croissent aujourd'hui dans nos tourbières, plutôt que par une véritable végétation arborescente. D'autre part, l'aspect terreux et amorphe du lignite de
Bohême, aussi bien que sa densité, le rapproche assez des briquettes de tourbe pure comprimée. M. Haushofer (*) a de plus constaté, par des observations microscopiques,
l'analogie de structure de ce lignite avec la tourbe grasse (Pechtorf.)
On pourrait objecter à cette manière de voir que la découverte faite en plusieurs endroits, dans la couche même, de débris fossiles présentant nettement la structure ligneuse et tous les caractères des espèces résineuses, tend plutôt à faire admettre l'hypothèse du flottage. Mais, sans nier le rôle important qu'ont pu jouer dans la
génération du lignite les bois amenés par les grands dfluents de la mer tertiaire bohémienne, je ferai remarquer que ce fait n'est nullement incompatible avec l'hypothèse d'une végétation de marais. On a, en effet, retrouvé des débris considérables de sapins dans quelques tourbières de l'Angleterre, de l'Écosse et du Danemark, et des troncs,en-tiers de cyprès dans celles du Mississipi dont je dirai plus bas quelques mots. Une autre objection pourrait également être soulevée. J'ai dit en effet précédemment que la découverte d'espèces
végétales des pays chauds, de troncs de palmiers, par (*) Nencs Jahrbuch für Mineralogie, année 1871, p. 596,
DANS LE NORD DE LA BOHÈME.
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exemple, dans le gîte de Salesl-Binnove, avait fait conclure
à l'existence en Bohême, à l'époque tertiaire, d'un climat presque tropical. Or, d'autre part, la formation de la tourbe résulte d'une décomposition lente et spontanée des végétaux, qui paraît à priori incompatible avec l'hypothèse d'une température élevée. Les tourbières sont, en effet, généralement regardées comme caractéristiques des pays froids ou tempérés.
Mais la contradiction n'est qu'apparente. On trouve en effet à l'heure actuelle, à l'embouchure du Mississipi, entre le 29' et le 50e degré de latitude Nord, une formation de tourbe très puissante et très étendue. Elle présente même ce singulier phénomène d'une île flottant littéralement sur un mélange d'eau douce et d'eau salée. La surface supérieure est utilisée comme prairie pour le bétail, et les puits que l'on y fore rencontrent invariablement la nappe d'eau. On y a même pris parfois des poissons de mer. Il peut donc exister des tourbières sous les climats chauds, et il est probable que le même phénomène s'est produit en Bohême à l'époque tertiaire.
La formation d'une couche compacte de lignite de 14 mètres d'épaisseur moyenne a naturellement exigé un laps de temps très considérable, pendant lequel la végétatation génératrice a dû varier. Quand, en effet, on examine les parois d'une galerie fraîchement percée dans la masse charbonneuse, cette dernière paraît absolument homogène ; et cependant, sous l'action de l'air, on voit au bout de peu de temps
se développer, sur ces mêmes parois, des bandes régulières, et diversement colorées, d'efflorescences blanchâtres
,
produites par une altération superficielle du
charbon. Cette diversité dans les teintes ne peut provenir évidemment que de variations correspondantes dans l'essence même de la matière et, par suite, dans la nature spécifique des végétaux générateurs. Cette hypothèse n'a dailleurs rien d'invraisemblable : on a, en effet, constaté