Annales des Mines (1887, série 8, volume 11)
Page : Image 197
Révision de 21 févr. 2015 14:59:21, edited by Anonymes
394
RECHERCHES EXPÉRIMENTALES
donnent parfois qu'un sable grossier bien différent de la farine impalpable produite par le péridot calcaire pur. Quelle est la cause de la pulvérisation spontanée de ces silicates bicalciques, y a-t-il moyen de rattacher ce phénomène à quelque autre fait plus simple et plus général? L'hydratation sous l'influence de la vapeur d'eau atmosphérique doit être éliminée de prime-abord; le silicate de chaux en question est inaltérable par l'eau. L'air est également sans action, car le culot fondu plongé en-
core chaud sous le mercure se désagrège de la même façon. J'avais supposé un moment qu'il pouvait se former à haute température un composé instable à froid dont la décomposition amènerait la désagrégation. D'après cette hypothèse, de la chaux aurait dû être mise en liberté et on aurait pu reconnaître sa présence en la dissolvant dans l'eau, mais l'expérience n'a pas justifié davantage cette prévision. Une observation fortuite m'a mis sur la voie de l'expli-
cation que j'avais cherchée en vain. Me proposant de préparer par fusion du sulfate de potasse cristallisé dont M. Mallard étudiait alors le dimorphisme, je me suis aperçu que ce sel, après sa solidification, conservait
tant qu'il était chaud une grande dureté comparable à celle des cristaux produits par dissolution; mais une fois complètement refroidi, il devient tellement friable qu'une simple pression des doigts suffit pour le réduire en poussière. Les petits fragments pulvérulents observés au microscope se présentent sous forme de lamelles finement striées qui se sont séparées les unes des autres suivant un plan de clivage perpendiculaire à l'axe. Le phénomène est donc de tout point comparable à celui que présente le silicate de chaux. Dans le cas du sulfate de potasse, il se
produit au rouge naissant , d'après les recherches de M. Mallard , une transformation dimorphique réversible extrêmement nette qui est accompagnée de macles nom-
SUR LA CONSTITUTION DES MORTIERS.
395
breuses. Ces macles amènent en contact des plans réticulaires différents dont le voisinage détermine des tensions moléculaires internes qui s'augmentent pendant le refroidissement par suite de l'inégalité des coefficients de dilatation. On conçoit que ces tensions puissent amener la désagrégation de cristaux présentant des clivages suffisamment faciles. Si réellement la transformation dimorphique d'un corps solide peut être une cause de désagrégation, on devra en trouver d'autres exemples parmi les cas si nombreux de dimorphisme aujourd'hui connus. Il suffit de citer la litharge, qui se présente habituellement sous forme d'écailles obtenues par le refroidissement lent de l'oxyde de plomb fondu. Cet oxyde est dimorphe ; à chaud, la variété stable est jaune, c'est le
massicot; à froid, la variété stable est rouge, c'est la litharge. Le passage du corps d'un de ces états à l'autre pendant le refroidissement amène sa désagrégation. Mais c'est avec le sulfate double de cuivre et de potasse anhydre que ce phénomène est le plus marqué. La pulvérisation se produit au-dessous de 100 degrés, ce qui la rend facilement observable.
Au point de vue des propriétés chimiques, le silicate Si0', 2Ca 0, se distingue du précédent par la facilité avec laquelle lés sels ammoniacaux le décomposent à chaud
ou à froid en solution concentrée ou étendue. L'action des acides, comme de juste, est plus rapide encore ; la décomposition par l'acide carbonique et la prise qui en résulte sont beaucoup plus promptes qu'avec la wollasto-
nite, mais l'eau reste toujours sans action tant à froid qu'à chaud; elle ne peut ni hydrater directement ni décomposer ce silicate. Dans les expériences prolongées pendant un mois, la quantité de chaux dissoute par l'eau était assez faible pour ne donner qu'un léger louche avec l'oxalate d'ammoniaque. Enfin, j'ai vérifié que ce composé