Annales des Mines (1891, série 8, volume 19)
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LES SALINES ET LES PUITS DE FEU
DE LA PROVINCE DU SE-TCHOAN.
pour le revendre dans sa sous-préfecture. Il y établit à, cet effet des entrepôts, yen-tien, où les petits débitants et les colporteurs doivent venir s'approvisionner. Le gouvernement touche l'impôt sans s'occuper si le saunier monopoleur peut vendre ou non tout le sel que représentent les congés du cadastre officiel. Autrefois le fisc consentait à une remise ou plutôt à un transfert à l'année suivante pour les congés du sel non vendu. Mais ces entrepreneurs en profitaient pour frauder la gabelle assez fortement et c'est ce qui fournit prétexte, il y a dix et quelques années au fameux préteur ou vice-roi Tin-pao-tchen pour accaparer à son compte le monopole de tout le sel en pierre qui va le plus loin, c'est-à-dire remplaça les sauniers particuliers par des mandarins et commis à ses ordres qui tinrent les entrepôts ; en un mot, il se faisait commerçant. Mais, et les propriétaires des salines, et le peuple,
les fraudes. Pour preuve, il envoyait une ou deux dizaines de ouan d'argent. Cet argument était trop éloquent pour
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qu'il ne restât pas vainqueur. On se souvient encore de l'implacable vengeance qu'il tira de ses ennemis. Néanmoins il se rendit aux Grandes Salines où l'accueil fut très froid et il se désista d'une partie de son monopole, qu'il localisa en gardant seulement le monopole pour un certain nombre de sous-préfectures, les meilleurs débouchés naturellement. Son oeuvre est donc restée : d'une part, les remises ou transferts de congés ne sont plus admis, même alors qu'ils seraient de justice ; d'autre part, les entrepôts-monopoleurs devenus mandarinaux le sont encore, mais le susdit vice-roi s'est attiré pour ce fait la haine du peuple des pays salifères où tous, grands et petits, ouvriers et propriétaires,Tont appelé sangsue du peuple pendant sa vie, et maudissent encore sa mémoire.
acheteur du sel, se souciaient peu d'avoir à traiter avec un
L'impopularité inhérente à ce monopole est encore
commerçant potentat, pouvant toujours dire en cas de
augmentée par les mille vexations que les mandarins et employés font à son sujet subir à toutes les classes de la population. Les entrepreneurs sauniers sont fraudés, car les commis-payeurs gardent indûment, pour le prêter
contestation : Ego nonzinor leo. De plus, la morgue inso-
lente et les exactions des satellites de ce
monopole
mandarinal augmentèrent le mécontentement : il y eut mutinerie, rébellion en plusieurs endroits ; les sauniers refusèrent leur sel, les mariniers leurs barques, les riverains leur concours en cas de péril des barques de sel
mandarinal, et bientôt le préteur fut en perte sur
la
somme promise à Pékin. En même temps une forte conjuration se formait, et lançait jusqu'à Pékin une accusation contre son vice-roi, marchand de sel. Les choses allèrent d'abord fort mal pour celui-ci : les
légats impériaux, envoyés pour cette affaire, lui diminuèrent sa dignité et peu s'en fallut qu'il ne perdît sa place. Mais enfin il sut faire valoir à Pékin que faire le commerce n'avait jamais été son but, mais augmenter Les revenus de la gabelle et de l'empereur en empêchant
à grosse usure, l'argent que ces industriels attendent commue capital de roulement ; de plus, avant de livrer l'argent, les mandarins lui font subir une refonte avec alliage de plomb pour voler 2 ou 3 tels pour cent. S'ils paient en ligatures, elles sont toujours incomplètes et dépréciées par l'addition de nombreuses fausses sapèques. Les commerçants sauniers sont molestés, car leurs barques ne peuvent acheter le sel tant que les barques mandarinales ne sont pas fournies ; de plus, au passage des rapides, des bas-fonds ou des douanes, les barques du monopole 'ont le pas sur toutes les autres, même sur celles arrivées bien avant elles. Les bateliers pâtissent aussi ; ils sont contraints de transporter le sel mandarinale XIX, 1891.