Annales des Mines (1892, série 9, volume 2)
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LE GRISOU AUX MINES D'ANZIN. 1810-1892.
Moyen proposé pour empêcher l'explosion du feu vulgairement appelé grisou.
Après quelques jours de travail, la taille est remplie d'un air méphytique et chargé de particules de soufre et
de bitume qui composent le charbon. C'est la lumière qui sert à éclairer l'ouvrier à son travail qui met le feu à cet air grossier. Pour empêcher cette explosion, il faut chercher à purifier l'air en le déchargeant des miasmes malfaisants et des particules carboniques dont il est rempli. Je crois qu'on pourrait y parvenir en éteignant dans la taille avec de l'eau claire une certaine quantité de chaux. La meil-
leure est celle qui est faite de pierres dures et dont la fumée est fort épaisse.
Pendant la fusion de cette chaux, on ferait dans la dite taille de fortes injections d'eau claire à l'aide d'une pompette faite exprès pour cet usage. Ce qui me porte à croire que ce moyen pourrait réussir, c'est que la chaux contient beaucoup d'alcalis qui, étant fermentés, deviennent volatils, que les alcalis changent la forme des corpuscules des acides et que la chaux vive absorbe même l'acide de l'eau-forte. Cette substance changerait tellement et si subitement le caractère de l'air, que dans un instant il se purifierait et cesserait d'être nuisible. De plus, l'eau fraîche' fortement injectée entraînerait avec elle les particules carboniques qui chargent l'air. Ne connaissant Pas l'intérieur des travaux, il se pourrait que mon moyen ne réussît pas, tel que je le propose; mais je crois fortement que, perfectionné par les gens de
l'art, il pourrait réussir, surtout si l'air avait un libre cours vers le foyer. Dans ce cas, l'air atmosphérique appelé dans l'intérieur de la taille entraînerait avec lui l'air méphytique. »
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L'auteur de ces belles élucubrations ajoutait dans une autre lettre « Depuis quelque temps on a fait diverses expériences qui font espérer qu'avec le temps on pourra parvenir à éteindre entièrement ce feu cruel. Il est vrai que jusqu'ici
on n'a encore essayé que la première partie de mon moyen, c'est-à-dire la fusion de la chaux à laquelle on a joint quelques gouttes d'alcali volatil d'ammoniac, et que l'on n'a pas encore employé le second, c'est-à-dire les injections d'eau fraîche. Je crois que ce dernier moyen achèverait de maîtriser le feu grisou (*). »
Résumé de la situation. - Cet exposé de la théorie de Léonard.Richer achèvera de caractériser, au début de la lutte à laquelle nons allons assister, l'état de la question qui nous intéresse et qui peut se résumer ainsi D'une part des manifestations quotidiennes et violentes
de la présence du grisou, d'autre part une situation déplorable au point de vue de l'éclairage et du tirage à la poudre à l'aide de mauvaises mèches. Seul, l'aérage semble être bien conçu et reposer sur des principes qui ont encore aujourd'hui toute leur valeur.
Malgré tous les perfectionnements introduits dans les mines depuis près d'un siècle, les exploitations grisouteuses ne présentent une sécurité relative que si l'aérage est assez abondant pour « paralyser le gaz », suivant l'expression de nos anciens, qui ne pouvaient travailler qu'avec une lumière nue. (*) Depuis lors, bien d'autres se sont engagés sur les traces de notre chercheur : le chlorure de chaux, l'éponge de platine ont été successivement proposés et essayés avec le même insuccès. On a même proposé d'absorber l'hydrogène du grisou à l'aide du chlore dégagé par un mélange d'acide sulfurique et de chlorure de magnésium, procédé bizarre qui aurait attaqué bien plus silrement les pounions des ouvriers que le grisou. Le problème du grisou vaincu chimiquement est d'ailleurs abandonné aujourd'hui et semble relégué au rang des utopies.