Annales des Mines (1892, série 9, volume 2)
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LE GRISOU AUX MINES D'ANZIN. 1810-1892.
des coups de grisou les plus graves que la Compagnie ait eu à déplorer.
A la suite de la catastrophe de 1865, l'extraction annuelle de cette fosse était tombée de 70.000 tonnes à 20.000 tonnes. Puis les travaux avaient été abandonnés de 1869 à 1876 : l'exploitation avait été reprise en 1876 et l'extraction s'était élevée progressivement jusqu'à 100.000 tonnes. En 1882, le vieux ventilateur de Bayard avait disparu et la fosse Turenne était aérée par un Guibal de 9 mètres
de diamètre, installé à Ernestine, qui déterminait un appel d'air de 27 à 28m3 par seconde et une dépression de 60 millimètres d'eau. Une explosion de grisou se produisit le 21 février 1883,
à 5 heures du soir, c'est-à-dire au commencement de la coupe à terres. Elle fut déterminée par un coup de mine, dans la première voie de la veine Édouard couchant au niveau de 466 mètres. Comme toujours en pareil cas, les circonstances de l'accident furent difficiles à reconstituer, car les ouvriers qui auraient pu donner des indications utiles, furent les premiers atteints. Les deux ouvriers qui faisaient le creusement de la voie de fond avaient préparé un coup de mine au toit de la veine, le boute-feu avait chargé la mine et y avait mis le feu ; puis tous trois s'étaient retirés à 50 mètres en arrière, à l'entrée d'un recoupage. A ce moment, sept
autres ouvriers se trouvaient dans le même quartier.
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L'explosion les atteignit tous : des dix victimes, six furent retrouvées mortes, et deux autres moururent le lendemain de l'accident. La détonation fit sentir ses effets jusqu'au pied du puits d'Ernestine, à 300 mètres de distance. Deux raccommodeurs qui se trouvaient en cet en-
droit furent renversés par le courant d'air et eurent leurs lampes éteintes.
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Dans ce triste accident, la cause occasionnelle était
évidemment le coup de mine. La cause originelle fut plus difficile à établir.
Le boute-feu était un chef très sérieux et considéré comme très vigilant par les ouvriers. Effectivement, au lendemain de l'accident, pas une voix ne s'éleva pour en faire peser sur lui la responsabilité. Il était donc peu probable qu'il eût manqué à son devoir et mis le feu à la mine sans avoir fait au préalable les constatations prescrites par les règlements. L'examen des conditions d'aménagement du courant d'air dans le quartier de l'explosion, fit naître dans les esprits une hypothèse qui semble fournir une explication plausible de l'accident. L'air qui passait sur la voie de fond ventilait deux tailles situées en amont et un montage dont le pied n'était fermé qu'avec des couvertures. Lorsqu'on déplaçait ces couvertures soit pour rouler du charbon, soit simplement pour circuler, le montage se remplissait de grisou. On peut se figurer dès lors, par un simple mouvement des couvertures, le grisou chassé et arrivant sur le coup de mine, précisément au moment de l'explosion de celle-ci. L'accident que nous venons de relater montre que l'institution des boute-feu, malgré tous ses avantages, ne supprime pas toutes les causes de danger. L'inspection de l'état de l'atmosphère, aux abords immédiats d'un trou de mine, n'est pas suffisante. En effet, dans une galerie de mine où l'air est en mouvement, l'état de l'atmosphère peut varier notablement entre le moment où le boute-feu fait son inspection et le moment où la mine fait explosion. Si la vitesse de l'air est par exemple de 1 mètre par seconde et si la mèche brûle pendant 60 secondes, le grisou qui se trouve à 60 mètres de distance peut constituer une atmosphère explosible au moment de la détonation du coup de mine.