Annales des Mines (1895, série 9, volume 8)
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148 CONSOLIDATION DES CARRIÈRES SOUTERRAINES
considéré dans son ensemble, supporte réellement le poids des constructions élevées à la surface. Il n'y a de réduction de la charge que dans une zone relativement resserrée, située au pourtour de l'ouvrage et correspondant aux points où les couches dont le terrain est formé s'infléchissent légèrement avant de se comprimer sous les fondations de l'édifice. En ces points, une partie du poids de la construction se transforme en efforts de traction tendant à rompre la continuité des couches et à disloquer le terrain... Ce que nous venons de dire du poids de l'édifice s'applique aussi au poids du terrain : ce poids est supporté intégralement par le ciel de la carrière. »
Ce principe a été admis par M. Tournaire, inspecteur général des mines, quelques années plus tard, et présenté par lui sous les formes de calculs élémentaires (*). Enfin il a reçu la consécration administrative dans la circulaire ministérielle du 10 juin 1886, conformément à
l'avis du Conseil général des mines qui était appelé 'à examiner les mesures propres à prévenir le retour de catastrophes analogues à l'effondrement général des carrières souterraines de Chancelade (Dordogne). Les piliers
doivent être assez forts « pour que leur résistance à l'écrasement excède sûrement le poids du terrain situé au-dessus des vides. » Telle est la solution, rationnelle et fort simple, d'une question assez complexe qui était autrefois enveloppée d'une grande obscurité. La plupart des exploitants sont dans la persuasion que les effondrements sont d'autant moins à redouter que les fouilles sont plus profondes : ce n'est exact que dans le cas d'excavations peu étendues (").
La règle établie par la circulaire ministérielle du (*) Tournaire, Des dimensions à donner aux piliers des carrières et des pressions auxquelles les terrains sont soumis dans les profondeurs (Annales des mines, t. V, 3° livr. de 1881k).
("*) Nous avons eu l'occasion de vérifier la justesse de nos
SOUS LE CHEMIN DE FER DE SCEAUX DANS PARIS. 149
10 juin 1886 trouve son application dans les carrières exploitées par la méthode des piliers réservés, et permet de calculer aisément l'importance des ouvrages de consolidation nécessaires pour assurer la fixité du sol. Elle sert encore de guide s'il s'agit des carrières entièrement dépilées. On constate que l'exploitatioe de ces dernières a été accompagnée ou suivie, presque partout, d'un affaissement général du sol. Le ciel, se brisant en divers sens, est descendu sur les remblais. Ceux-ci se sont comprimés sous le poids du terrain de recouvrement
et en proportion de ce poids. L'expérience montre que néanmoins ils sont loin d'offrir la résistance d'un terrain naturel, par exemple d'une couche de marne, et sont tout à fait impropres à recevoir directement les fondations
de n'importe quel ouvrage en maçonnerie. De plus, comme les ouvriers carriers n'ont pas toujours eu le soin de remblayer les chantiers d'exploitation jusqu'au ciel, il existe des régions où, malgré la descente des précédentes observations dans une grande carrière de craie, exploitée souterrainement à Bougival (Seine-et-Oise). Une série d'expériences auxquelles nous avidns procédé, nous avaient dé-
montré que la craie constituant les piliers est complètement saturée d'eau par l'effet de l'humidité constante du sous-sol, et que la résistance à l'écrasement de celte substance éprouve, de ce chef, un affaiblissement des trois quarts. Nous avons jugé prudent en conséquence de provoquer par un arrêté préfectoral l'évacuation et la fermeture complète de cette carrière. Un certain temps après, le 3 décembre 1891 et le 17 mars 1892, celle-ci s'est effondrée subitement et en masse, dans deux vastes régions indépendantes, sans occasionner d'accident de personnes. Les piliers se sont écrasés exactement sous la charge du terrain de recouvrement, conformément aux prévisions révélées par le calcul, malgré leurs grandes dimensions et la parfaite régularité du tracé des galeries. Nous avons été conduit à une vérification analogue, en étudiant rétrospectivement les conditions dans lesquelles se sont produits des effondrements plus anciens dans les crayères souterraines des Moulineaux (Seine). L'expérience a confirmé pleinement les indications de la théorie.