Révisions de la page | Historique de transcription | Annales des Mines (1901, série 9, volume 20)

532

NOTE SUR L'EXPLOSION D'UN DÉPÔT DE DYNAMITE

Enfin, pour en terminer avec cette revue des témoignages recueillis, il reste à parler d'un propos tenu par un mineur, et d'où il avait paru résulter que Bertinchamps se serait plaint, quelques jours avant l'accident, d'être incommodé dans son magasin par des gaz tels que ceux que dégage la dynamite en décomposition. L'hypothèse attribuant au mauvais état de la dynamite emmagasinée l'explosion du 28 novembre eût trouvé là un sérieux appui; mais le témoin, interrogé avec précision, a expliqué qu'il avait seulement voulu dire que Bertinchamps était obligé le matin, en arrivant à son magasin, de l'aérer un peu en laissant la porte ouverte, mais qu'il en avait toujours été ainsi et qu'il ne croyait pas que ce fût à cause d'un dégagement de gaz dus à la décomposition de la dynamite. Il est de fait que, dans les magasins de dynamite, il règne fréquemment une odeur assez acre et pénétrante, qui paraît provenir surtout, sinon uniquement, en l'absence de toute décomposition de la dynamite, du bois des caisses dans lesquelles l'explosif est logé et de la sciure séparant les paquets de cartouches les uns des autres. Il ne semble pas, dans ces conditions, qu'il y ait aucune importance à attribuer au propos que nous venons de relater. Hypothèses sur les causes de l'explosion. — La disparition des témoins directs et les déclarations, souvent contradictoires, des témoins indirects de l'accident n'ont pas permis d'établir avec une certitude absolue la cause de l'explosion. De nombreuses hypothèses ont été mises en avant. On s'est demandé notamment s'il n'y aurait pas eu décomposition spontanée de la dynamite, explosion au contact d'une capsule-amorce portée par un ouvrier ou tombée dans le local de distribution, inflammation, puis détonation, au contact de la lampe à feu nu d'un ouvrier passant dans la bowette, acte de malveillance enfin. Aucune de ces

NOTE

SUR L'EXPLOSION D'UN

DÉPÔT DE DYNAMITE

533

hypothèses ne paraît résister à une discussion quelque peu attentive. Il est matériellement prouvé que la dynamite distribuée le 28 novembre au matin avait été fabriquée au mois d'août précédent, transportée pendant la saison chaude, c'est-à-dire à l'abri de l'influence désorganisatrice de la gelée, et déposée dans le magasin le 13 septembre. Les cartouches de cette distribution retrouvées dans le puisard étaient encore en parfait état après un séjour de plusieurs jours dans .l'eau boueuse qui le remplissait. Rien ne permet de penser que, contrairement à la règle établie, le distributeur eût conservé dans son magasin, au risque delà voir se détériorer, une caisse contenant des explosifs plus anciens : la dynamite la plus ancienne devait, en conséquence, avoir moins de quatre mois de fabrication et, dans tous les cas, moins de trois mois de séjour dans le dépôt. Les conditions d'installation de celui-ci, autant qu'elles ont pu être reconstituées après coup, n'étaient pas de nature à exposer la dynamite à une détérioration particulièrement rapide. L'hypothèse d'un acte de malveillance semble absolument inadmissible. D'un autre côté, il paraît établi qu'au moment où l'explosion s'est produite,, Bertinchamps était seul au magasin. On ne voit pas dès lors le rôle qu'auraient pu jouer soit des détonateurs, soit une lampe à feu nu portés par un ouvrier passant dans la bowette. Tous les témoins ont été d'accord pour déclarer que le distributeur avait l'habitude de délivrer la dynamite sur le seuil de la porte de son magasin, qu'il n'y laissait pénétrer personne et qu'il refusait toute remise d'explosifs aux ouvriers porteurs de capsules. Dans ces conditions, il est bien peu probable qu'un détonateur ait pu se trouver, par une circonstance fortuite, dans le local de distribution et provoquer l'explosion.