Annales des Mines (1908, série 10, volume 13)
Page : Image 214
Révision de 28 déc. 2014 00:45:37, edited by Anonymes
42-4
LE PÉTROLE DE ROUMANIE
même de la formule, toute élévation du prix du brut va entraîner une élévation correspondante du prix de vente du lampant et, par suite, une augmentation intégrale du bénéfice du raffineur. Producteurs et raffineurs sont donc également intéressés à la hausse du pétrole brut : c'est une circonstance très heureuse pour le développement général de la production. On doit pourtant se souvenir que l'augmentation du cours du brut se produit en Roumanie, d'une manière à peu près continue, depuis près de deux ans : la Société Roumano-Américaine n'a du reste pas été étrangère à ce mouvement de hausse ; le désir de stabiliser les cours du pétrole brut, en progression constante depuis 1906, était donc insuffisant à lui seul à motiver l'intervention des pouvoirs publics. La nouvelle formule peut, du reste, avoir à ce point de vue un inconvénient assez grave. La fixation d'un prix maximum a eu pour objet de prévenir les prétentions exagérées des raffineurs ; il serait pourtant très facile à ces derniers de produire la hausse, en agissant cette fois sur le cours du pétrole brut. Les raffineurs sont pour la plupart producteurs ; ceux qui ne le sont pas encore ont tout intérêt à le devenir. Les exigences des uns ne seront plus arrêtées, comme il arrive d'ordinaire, par la résistance des autres. Chacun d'eux, simple producteur ou producteur raffineur, a dès aujourd'hui un intérêt majeur à la hausse du brut; celle-ci ne manquera pas de se produire. Les abus que l'on voulait prévenir vont reparaître sous une autre forme; faudra-t-ildonc se résoudre à réglementer également les conditions de vente du pétrole brut? L'attitude du Gouvernement roumain pourrait-elle s'expliquer davantage, en observant qu'il s'agit d'un constate que neuf sociétés produisent la presque totalité du pétrole traité par elles : l'écart de tonnage de 250. 000 tonnes, que nous mentionnons ci-dessus, est afférent, pour près des trois quarts, à une seulesociété, obligée d'acheter 170. 000 tonnes de pétrole brut.
LE PÉTROLE DE ROUMANIE
425
objet de consommation domestique de première nécessité? La production et la vente des produits de ce genre ont été fréquemment soumises à des régimes d'exception : les monopoles du tabac, des allumettes, du sel, ont précédé dans bien des pays les premières ébauches du socialisme d'Etat; le raffinage du pétrole lui-même a déjà fait l'objet de nombreuses propositions de monopole (*) ; la nouvelle loi roumaine ne serait qu'une modalité particulière de ces réglementations spéciales. L'analogie n'est pourtant pas absolue; le monopole sè : justifie, dans la généralité des cas, par des considérations exclusivement fiscales; c'est, avant tout, un impôt de consommation, beaucoup plutôt qu'une arme contre le producteur. La question se présente en Roumanie sous un tout autre aspect : les préoccupations budgétaires sont demeurées étrangères à l'élaboration de la nouvelle loi ; le souci des intérêts du consommateur n'apparaît même pas d'une manière très évidente, le nouveau régime devant se traduire par une hausse immédiate de 3 francs ; la réglementation, dont le Gouvernement roumain vient de prendre l'initiative, grève le consommateur sans avantager le Trésor. On dira peut-être que la baisse actuelle n'est que passagère : la Standard devenant, dans un avenir prochain, maîtresse absolue du marché, saurait faire payer au consommateur roumain les sacrifices qu'elle consent aujourd'hui; c'est une mesure de sage administration que de prévenir cette éventualité, en arrêtant dès maintenant l'ambition de la Société américaine. Nous reviendrons plus bas sur ce point; mais il nous paraît que, quel que soit le bien-fondé de ces appréhensions, l'avenir demeure toujours sauvegardé. Quand il s'agit d'un objet de première nécessité, un gouvernement n'est jamais (*) Le monopoledu raffinage du pétrole estunfait accompli en Grèce.