Révisions de la page | Historique de transcription | Annales des Mines (1908, série 10, volume 13)

426

LE PÉTROLE

RE

ROUMANIE

absolument désarmé. Il puise dans sa mission de défenseur des intérêts du public le droit de réfréner les abus, sans avoir pour cela besoin de recourir aux méthodes d'un interventionnisme aussi novateur. L'action officieuse des pouvoirs publics, la menace de modifications des droits de douane, les protestations de l'opinion suffisent on général pour ramener les prix normaux ; si le trust demeurait intransigeant, l'intervention législative apparaîtrait alors absolument justifiée. Mais la situation actuelle est toute différente : pour mettre un frein aux abus possibles de l'accaparement, on arrête les effets bienfaisants et immédiats de la concurrence ; à considérer uniquement l'intérêt du consommateur, la réglementation actuelle semble tout au moins prématurée. Il nous parait bien difficile d'invoquer un intérêt national plus ou moins menacé; des considérations de ce genre sont souvent intervenues en Roumanie, dans les discussions relatives au pétrole (*) ; elles sembleraient peu à leur place dans le débat actuel. La lutte était ouverte entre les membres du cartel et la Société américaine dissidente : les uns et les autres représentent presque exclusivement le capital étranger. Sur la quantité totale de pétrole brut, traitée clans les raffineries en 1907, 2 p. 100 seulement correspondent à l'élément roumain, 98 p. 100 sont afférents à l'élément étranger. Aucune considération d'ordre national ne pouvait donc obliger le Gouvernement roumain à se constituer, de son propre mouvement, l'arbitre d'un conflit, qui opposait étranger à étranger. Peut-on parler enfin d'accaparement général, de ruine de l'industrie pétrolifère roumaine? Le passage suivant, extrait de l'exposé des motifs de la loi, permettrait de le (*■) En particulier, lors des projets de concession de « pipe line», ou des concessions à accorder sur les terrains pétrolifères de l'État.,

LE

PÉTROLE DE

427

ROUMANIE

supposer : « Le dénouement de cette campagne est facile « à prévoir : les vaincus demanderont grâce : les mil« liards se montreront généreux et laisseront la vie aux « vaincus, mais à la condition de travailler pour eux. « Toute l'industrie roumaine du pétrole deviendra l'esclave « des milliards victorieux, et le public, trompé par les « avantages éphémères du présent, subira de nouveau « les prix d'autrefois ou même des prix majorés. Tel « serait l'avenir, si l'État demeurait les bras croisés, « sans aucun souci de défendre les intérêts nationaux ; « le pays, qui ne possède pas la force de résistance des « Etats-Unis, succomberait bien vite sous le joug des « trusts américains, qui commencent à se rendre intolé« rables jusque dans leur pays d'origine. Le moment est « donc venu d'extirper un mal venu d'ailleurs, avant de « le voir enraciné sur le sol roumain. L'État a le devoir « de défendre une grande industrie roumaine contre les « prétentions d'un accapareur mondial; il doit diriger « lui-même cette industrie dans le sens qui convient le « mieux aux intérêts généraux de la nation. » La crainte de voir toute l'industrie roumaine tomber entre les mains de la Standard domine, on le voit, la réglementation nouvelle. Le passé de la Société américaine, nous ne le contestons pas, n'est pas de nature à calmer ces appréhensions. Toutefois, une intervention législative aussi grave supposerait peut-être des menaces plus précises que de simples soupçons d'accaparement, ou même une concurrence vive, mais loyale, exercée au profit du consommateur, sur un marché restreint. Nous avons indiqué, dans notre note précédente, le rôle encore effacé de la Société américaine dans l'industrie roumaine, tant comme producteur que comme raffineur (*) ; nous nous bornerons à (*) Elle a produit, en 1907, 88.000 de tonnes de pétrole brut, et raffiné «K.000 tonnes ; elle occupe le quatrième rang, tant comme producteur lue comme raffineur. Tome XIII, 1908.

28