Annales des Mines (1909, série 10, volume 16)
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LES
QUESTIONS
OUVRIÈRES
caractère individuel ou collectif du besoin comme critérium de l'assurance privée ou de l'assurance sociale : pour lui, le besoin est individuel ou collectif selon que l'individu peut le satisfaire par ses propres ressources ou qu'au contraire il doit, dans ce but, recourir à l'intervention de l'État. Ainsi, lorsque l'individu peut employer une partie de ses ressources actuelles en vue de l'obtention de ressources futures, le besoin est considéré comme individuel ; lorsqu'au contraire l'individu ne peut satisfaire son besoin « individuel » à l'aide de ses propres ressources et que les deniers publics doivent y pourvoir, le besoin devient collectif. L'assurance intervient sous la forme privée dans le premier cas (*), et sous la forme sociale dans le second (**) : dans ce dernier cas, à l'égard des individus, tels les ouvriers, que la modicité de leur avoir met dans l'impossibilité de satisfaire, au prix d'une portion de leur revenu, leur« besoin individuel d'assurance », le « groupement collectiviste »,au sens germanique du mot, c'est-àdire « l'État », doit « élever au rang de besoin collectif d'assurance les besoins individuels éprouvés par les masses nombreuses », c'est-à-dire leur garantir, indépendamment des ressources qu'ils acquièrent pendant leur période de travail, d'autres ressources destinées aux circonstances qui frappent leurs personnes. Cette conception a l'inconvénient de détourner l'expression « besoin collectif » de sa signification normale en confondant le caractère collectif de la satisfaction du besoin avec celui du besoin lui-même. Au reste, sans, même dépouiller cette expression de son sens habituel, il est possible d'y rattacher la notion d'assurance sociale. En effet, l'homme qui vit en société peut souffrir des
(*) Loc. cit., p. 501. ('•)Ibicl., p. 502.
ET LA
SCIENCE ACTUARIELLE
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maux qui atteignent les autres membres du même groupement, et cela, soit au point de vue de la santé si la propagation des épidémies n'est pas combattue, soit au point de vue de la production si les ouvriers invalides ou blessés ne sont pas entourés des soins qui doivent leur permettre de reprendre le travail, soit au point de vue de la sécurité privée si les chômeurs abandonnés sans secours deviennent des malfaiteurs. C'est donc à cause de son existence en société que l'homme éprouve le besoin de voir les malades, les blessés, les invalides et les chômeurs garantis contre les risques dont ils sont menacés. Ce besoin est donc collectif, au sens rigoureux du terme, et l'assurance sociale y pourvoit sous la forme d'assurance contre la maladie, les accidents, l'invalidité et le chômage. L'intervention de la collectivité se manifeste alors, — soit dans des mesures législatives qui, sans enlever aux intéressés l'organisation du régime, définissent la nature et la réalisation du programme, ainsi que les minima des droits des assurés, — soit dans le concours des deniers publics qui se traduit tantôt par des subventions directes suppléant à l'insuffisance de la cotisation ouvrière, tantôt par une garantie promise au' cas de défaillance de l'assureur. Ces trois formes d'intervention se rencontrent par exemple : a) la première, dans l'assurance contre la maladie, en Allemagne et en Autriche, où la loi détermine les éléments du fonctionnement des caisses créées par ou pour les ouvriers, et dans l'assurance contre les accidents en France et en Belgique, où la loi définit la responsabilité patronale, c'est-à-dire l'exercice et l'étendue de la réparation des suites des accidents, avec faculté de s'assurer dans des conditions définies par le législateur et sanctionnées par un contrôle et une surveillance efficaces ; à) la deuxième, dans l'assurance contre l'invalidité en