Annales des Mines (1911, série 10, volume 20)
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LÉGISLATION OUVRIÈRE ET CONFLIT SOCIAL EN SUÈDE
LA LÉGISLATION OUVRIÈRE ET
LE
CONFLIT SOCIAL EN SUÈDE Par M. JACQUES DE RUFZ DE LAVISON, Ingénieur civil des Mines.
S'il est un fait qui s'impose à tous en ce commencement du xx° siècle, c'est bien celui de la poussée grandissante et toujours plus active des forces sociales représentées par la masse sans cesse accrue des travailleursde tous les métiers. Que ce soit par des moyens légaux, par l'intimidation ou par la violence, il ne se passe pas de jour sans que les organisations ouvrières, patientes et tenaces, ne cherchent à obtenir quelque avantage ou à se faire accorder quelque nouveau droit, et il faut reconnaître que leurs efforts sont la plupart du temps couronnés de succès. Il y a deux ans à peine, l'on apprenait avec un étonner ment mêlé d'inquiétude que la grève générale venait d'être déclarée, non pas, comme on aurait pu s'y attendre, dans un pays neuf, au développement hâtif, facile à entraîner, mais, au contraire, en Suède, vieille nation industrielle, de culture ancienne, réputée jusqu'alors par sa sagesse et son sang-froid. Pendant les xvn e et xvm e siècles, en effet, la Scandinavie a fourni à l'Europe une très grande partie des richesses minérales qui lui étaient nécessaires ; depuis lors, la production était stationnaire, celle dos métaux précieux allait même en se ralentissant, la plus grande partie de
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la population restait agricole (*), et nul ne se sentait le besoin de détourner ses efforts vers un autre but. Il fallut attendre le jour où la métallurgie et l'industrie du monde entier prirent leur nouvel essor pour voir la situation changer. Les besoins en métaux, surtout en fer, croissaient sans cesse : la Suède, jusqu'alors surtout renommée pour la bonne qualité de ses minerais, mais dont la production était faible, fut le théâtre de recherches nombreuses. A côté des anciennes mines, on en trouva d'autres infiniment plus étendues et plus riches, et les progrès apportés aitx méthodes d'extraction ainsi qu'à la métallurgie permirent une exploitation rémunératrice de minerais moins purs. En même temps, et par une conséquence naturelle, des fabriques et des usines furent créées en tous les points du pays, une activité intense se manifesta, entravée malheureusement parle manque d'argent et de main-d'œuvre. Les Suédois, peu désireux d'introduire les étrangers chez eux, firent appel au pays, et, au bout de quelques années, attirés par l'appât d'un gain qui leur semblait considérable, les cultivateurs abandonnèrent peu à peu leurs champs pour se réunir autour de la fabrique ou de la mine, sous la dépendance de grandes sociétés, soumis à toutes les influences et à toutes les tentations qui se développent quand des hommes, autrefois isolés et libres, se trouvent réunis et soumis à une règle sévère. A dater de ce jour, il y eut une question ouvrière en Suède et il fallut en subir les conséquences. Son évolution a été surtout caractérisée en France par l'esprit audacieux et violent des syndicats ouvriers, favorisée par l'indifférence des pouvoirs publics et le manque d'union entre les patrons qui commencent aujourd'hui (*) 71 p. 100 en 1870.