Révisions de la page | Historique de transcription | Annales des Mines (1879, série 7, volume 8, partie administrative)

298

JURISPRUDENCE.

Jugement rendu, le 7 juillet 1876, par le tribunal civil d'Alais, au sujet du tarissement, par le fait de travaux de mines, de sourçes situées au-dessus ou dans le voisinage desdits travaux (affaire POLZE contre COMPAGNIE DE MOKTA-EL-HADID). (EXTRAIT. )

Les puits creusés par la compagnie sur un terrain lui appartenant, les travaux qu'elle a continués, tant chez elle que sous les terrains environnants, ont amené la perte des eaux jaillissant sur le fonds du demandeur qui lui réclame réparation du préjudice qu'il a ainsi éprouvé. En droit, si la propriété du sol autorise celui à qui elle appartient à y pratiquer des fouilles et y effectuer des recherches, sans être tenu à aucune indemnité envers les voisins auxquels les travaux causent quelque préjudice, ce droit est modifié toutefois par les prescriptions spéciales de la loi sur les mines, qui édicté, dans son article i5, le principe d'une indemnité au profit des héritages voisins. Le sens et la portée de cette disposition, éclairée par les travaux préparatoires de la loi de 1810, paraissent suffisants pour garantir les propriétés superficielles contre un dommage que le législateur de 180/1 n'avait pas prévu et qu'il avait, au contraire, expressément réservé. La nécessité d'un cautionnement préalable, affecté à dédommager le propriétaire voisin des pertes que lui feront éprouver les travaux souterrains, soit en ébranlant les fondements de ses édifices, soit en tarissant les sources dont il a l'usage, implique nécessairement la reconnaissance du droit à une indemnité pour cette nature de préjudice. Cet article déroge au droit commun, dans ses termes et dans son esprit. En limitant son application au cas prévu par l'article 1082 du code civil, on en paralyse arbitrairement les effets et on méconnaît la pensée qui l'a dicté (*). Les mines constituent une propriété sui generis, régie par une (*) La cour de cassation, dans son arrêt du 12 août 1872 (suprà, p. 139), avait dit : « Si l'article i5 de la loi de 1810 dispose que le concessionnaire doit, le cas arrivant de travaux à faire sous des maisons ou lieux d'habitation, sous d'autres exploitations ou dans leur voisinage immédiat, donner caution de payer toute indemnité en cas d accident, — cet article déroge bien aux principes ordinaires, quant au cautionnement préventif qu'il exige, mais n'établit le droit à l'indemnité qu'à l'égard de dommages dont la responsabilité incomberait égale-

JUR1SPRUDENCE.

299

loi spéciale, dont l'exploitation est réglementée et soumise, envers le propriétaire de la surface, à des obligations d'une nature particulière, différentes de celles qu'impose le droit commun aux rapports du voisinage. Les entreprises que peut faire un propriétaire sur son fonds ne présentent pas le même caractère dommageable que les fouilles qu'effectue un extracteur de minerai, qui demandera à la terre tous les produits qu'elle renferme et poursuivra ses investigations d'autant plus loin que les recherches sont couronnées d'un plus grand succès (*). Le législateur a donc eu raison de se prémunir contre de pareilles entreprises et de protéger les voisins contre les atteintes qui seraient portées involontairement, sans aucune faute et par une suite nécessaire de l'exploitation, à leurs droits de propriété. La jurisprudence l'a reconnu implicitement, en indemnisant le propriétaire de la surface de la perte de ses sources, si les travaux souterrains ont été poussés jusqu'à son fonds. Elle puise ce principe dans la loi de 1810, dont le texte, l'esprit et la combinaison des articles 6, 11 et 15, lui paraissent garantir les intérêts du propriétaire du sol contre les entreprises du propriétaire de la mine. Il est cependant bien difficile de préciser exactement si les ouvrages exécutés immédiatement au-dessous du sol sont la cause du dommage signalé. Celui-ci est dû bien souvent à l'ensemble général des travaux, qui occasionnent des infiltrations dont l'existence est constatée, sans qu'il soit possible de déterminer exactement l'endroit où elles se produisent. Il doit en être de même et par identité de motifs, lorsque les travaux souterrains ont eu lieu, comme dans l'espèce actuelle, dans le voisinage immédiat de la propriété lésée, qu'ils n'ont pas encore atteinte, mais dont ils s'approchent chaque jour. La fréquence de semblables accidents justifie cette solution. Elle est d'autant plus juste que la propriété des demandeurs est comment à toute personne pour les mêmes faits en vertu de l'article i382 du code civil. » Le désaccord ne saurait être plus complet entre le tribunal et la cour suprême. (*) Cette observation sur la nature des entreprises du concessionnaire, en ce qui concerne le voisinage, manquerait de portée, en droit, pour les entreprises, tout à fait comparables en fait, que pourrait faire l'exploitant de certaines substances non concessibles, telles que la bauxite, la phosphorite, l'argile réfractaire ou certains matériaux de construction qui donnent lieu à des . exploitations souterraines plus ou moins étendues.