Révisions de la page | Historique de transcription | Annales des Mines (1885, série 8, volume 4, partie administrative)

274

JURISPRUDENCE.

ces propriétés disparaîtrait bien vite ou deviendrait inutile. La ruine doit notamment supporter la surface, et cette obligation est tellement rigoureuse que si les moyens ordinaires ne suffisent pas pour soutenir le sol, le concessionnaire doit en employer d'extraordinaires, et que, du moment où le sol cède,la faute est présumée sans qu'il soit besoin d'examiner si les travaux souterrains ont été faits ou n'ont pas été faits suivant les règles de l'art. S'il n'y a pas quasi-contrat, l'Etat se trouve dans la même situation juridique que tout autre propriétaire; s'il peut invoquer la présomption de faute reconnue et consacrée par la Cour suprême, il n'a pas a se préoccuper de l'acte de concession ; il n'a qu'une chose a démontrer: l'existence d'un préjudice résultant de l'ébranlement du sol par suite des travaux souterrains. Pour mettre l'État en dehors du droit commun, il faudrait ou des conventions particulières ou des textes de loi qni n'existent ni les unes ni les autres. Vainement on objecte qu'en concédant la mine il a pris l'engagement de ne pas en empêcher l'exploitation. Cela est vrai en ce sens que l'État, puissance souveraine, en donnant une concession perpétuelle, s'engage à ne pas la retirer de par son droitsouverain oua en empêcher l'usage sans accorder une indemnité ; mais il est spécieux de dire que l'Etat concédant, alors qu'il devient propriétaire de la surface, doit garantie au concessionnaire de la mine, en ce sens qu'il ne peut pas faire ce que pourrait faire tout autre propriétaire et qu'il n'acquiert jamais qu'une propriété dont il ne devra user que dans certaines limites; c'est la confondre les deux qualités diverses et absolument distinctes que le gouvernement a prises successivement dans cette affaire, et il est hors de doute qu'en autorisant l'extraction des richesses minières contenues dans cette partie de la commune de Saint-Etienne, il n'a jamais abandonné les droits que lui donnerait plus tard l'expropriation d'une partie de la surface ; vis-a-vis des compagnies défenderesses, il agit en qualité de simple particulier; prétendre le contraire c'est soutenir que l'État ou plutôt l'administration de la guerre n'a reçu de la ville de Saint-Etienne qu'un sol qui, pour lui et pour lui seul, eût été grevé de la servitude non œdi/icandi. La prétendue reconnaissance que l'État aurait faite qu'il se trouve personnellement vis-a-vis des compagnies concessionnaires dans une situation exceptionnellement défavorable, est énergiquement contestée par lui; elle ne saurait s'induire des

JURISPRUDENCE.

275

clauses qu'il place d'habitude dans le cahier des charges , clauses par lesquelles il règle les rapports entre le concessionnaire d'une mine et l'exploitant d'une voie ferrée et il impose au dernier venu des conditions fort naturelles et fort justes; spécialement comme propriétaire de la manufacture d'armes, ses agissements ne révèlent nullement un aveu de celte nature ; à l'origine et au moment où les premiers dommages se sont produits, il avait interdit aux compagnies houillères d'exploiter sous son terrain ; mais celles-ci ont énergiquement réclamé contre cette interdiction; aujourd'hui il les y a autorisées, sur leur demande expresse, mais elles réclament contre sa prétention de leur faire réparer tout le dommage dans les conditions où elles en sont tenues d'après le droit commun et le tribunal cherche vainement quelles conclusions favorables aux compagnies peuvent être tirées de ces décisions successives. De ces considérations de droit et de fait il résulte que les prétentions des Compagnies dites des Houillères de Saint-Elienne, de la Loire, de Montaud, ne sont nullement fondées. Les dépens doivent être réservés jusqu'à ce que les constatations de l'expertise aient établi quelle est la cause certaine des dégâts occasionnés à la manufacture d'armes. Par ces motifs, le tribunal, jugeant en matière ordinaire et en premier ressort, Dit et prononce que, par les mômes experts nommés en référé qui prêteront de nouveau serment aux mains du président ou du juge en ordre et seront, en cas de refus ou d'empêchement, remplacés sur simple requête, les causes des dommages occasionnés à la manufacture d'armes seront recherchées et constatées; que les experts diront si ces dommages proviennent de l'exploitation de la mine et, en cas d'affirmative, dans quelles limites les compagnies défenderesses en sont responsables ; Qu'ils préciseront le champ d'exploitation de chacune d'elles, et les conséquences qui ont pu en résulter pour la superficie ; qu'ils donneront, en un mot, au tribunal toutes les indications nécessaires pour qu'il puisse statuer sur les prétentions respectives des parties en cause; Autorise les experts à s'entourer de tous les renseignements et à consulter tous les documents qui leur sembleront utiles; Pour, leur rapport fait et déposé, être requis et statué ce qu'il appartiendra; Réserve les dépens.