Révisions de la page | Historique de transcription | Annales des Mines (1893, série 9, volume 2, partie administrative)

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JURISPRUDENCE. JURISPRUDENCE.

canton de Lens, a condamné Dilly en cinq francsde dommagesintérêts ; Attendu que Dilly a interjeté appel de cette décision; Que son appel est régulier en la forme ; Au fond : Attendu que Dilly fonde son opposition sur le moyen que, si la Compagnie de Lens est propriétaire, ce qu'il reconnaît, des corons et des rues qui les desservent, elle a abandonné au public la jouissance de ces rues, du fait qu'elle loue à ses ouvriers les maisons des carons; que lui, Dilly, comme toute personne pouvant avoir à faire des communications aux locataires, a le droit de circuler et de séjourner dans ces rues; que dans ces conditions, il était en droit de ne pas déférer aux injonctions des gardes et qu'il n'a par suite causé aucun préjudice à l'intimée; Attendu que la Compagnie de Lens soutient qu'elle n'a abandonné au profit de personne un droit quelconque sur les rues des corons, lesquelles sont sa propriété; que les ouvriers mineurs ne sont pas des locataires; que la rétribution minime qu'ils paient représente une indemnité et non un prix de loyer: qu'elle est en conséquence maîtresse d'interdire à qui bon lui semble l'accès des rues de ses corons; Attendu que la solution du litige réside ainsi tout entière dans la question de savoir si les ouvriers qui occupentles corons sont ou non locataires de la Compagnie de Lens ; Que, s'ils sont locataires, la Compagnie de Lens, tenue, aux termes de l'article 1719 du Code civil, de les faire jouir, non seulement de l'habitation louée, mais encore de tous les accessoires qui s'y rattachent et sur lesquels les preneurs ont dû compter, notamment le libre accès de la rue, ne peut interdire cet accès à quiconque se trouve avoir une communication à leur faire, de quelque nature qu'elle soit; que, s'il en est ainsi, Dilly était, comme il le prétend, en droit de pénétrer dans les rues dont s'agit, d'y faire distribution de tels ou tels bulletins ou avis malgré les injonctions du garde, à l'égard duquel d'ailleurs il n'a commis aucun acte délictueux; Attendu, si on examine le contrat intervenu entre la Compagnie de Lens et les ouvriers habitant ses corons, qu'on y trouve tous les éléments du contrat de louage; une chose qui en est l'objet, deux personnes ayant capacité de former le contrat, le consentement de ces deux personnes, une durée de jouissance, un prix pour rémunérer le bailleur de la jouissance qu'il concède;

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Qu'à la vérité la durée de jouissance n'est pas exprimée, mais qu'elle est tacitement subordonnée à celle du contrat de louage d'ouvrage qui intervient en même temps entre le bailleur et le preneur ; Qu'à la vérité encore le prix est inférieur à la valeur locative réelle de l'habitation, mais qu'en l'espèce il faut considérer comme une augmentation de salaire cette minimitô du loyer; Que l'on conçoit en effet très bien que la Compagnie ayant besoin d'un nombre considérable d'ouvriers, leur fasse des avantages pour les retenir et les grouper autour de son exploitation ; Attendu que le système soutenu par la Compagnie de Lens aboutirait à ce résultat de faire considérer les ouvriers travaillant dans les chantiers comme de véritables domestiques ou serviteurs, logés chez le maître et restant sous sa dépendance complète et constante; Que telle n'est pas et ne peut pas être la condition des ouvriers mineurs ; Attendu, au surplus, et contrairement à ce qu'elle a fait plaider, que la Compagnie de Lens considère si bien comme des locataires les ouvriers habitant ses corons que, chaque année, elle fait à l'enregistrement la déclaration de locations verbales en ce qui les regarde conformément à la loi du 23 août 1871 ; Qu'il résulte des renseignements recueillis que, pour ce qui concerne notamment la rue Papin, dans laquelle s'est produit un des faits relevés contre Dilly, ladite Compagnie fait chaque année cette déclaration pour 80 maisons dont une occupée gratuitement et 85 payantes et pour un loyer annuel de 5.100 fr.; Sur la demande reconvent ionnelle : Attendu que cette demande n'est pas justifiée; Par ces motifs, le Tribunal reçoit Dilly en son appel ; Dit qu'il a été mal jugé, bien appelé; met à néant le jugement dont est appel; décharge Dilly des condamnations prononcées contre lui; ordonne la restitution de l'amende consignée; Dit Dilly non fondé en sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts; l'en déboute ; Condamne la Compagnie des mines de Lens aux dépens de première instance et d'appel.