Annales des Mines (1837, série 3, volume 12)
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POEME SUR LES FORGES
» pourquoi perdre ton temps dans cette honteuse oisiveté? Pourquoi prodiguer inutilement tes beaux jours? Tu déroges au nom, à la gloire et au talent de ton père, lui qui gouverne en paix ses forgerons, qui dans sa prévoyance modère
ou excite leur ardeur, et se plaît à donner à chacun la récompens,e qu'il mérite. Malheureux! pourquoi négliger ainsi lechamp paterne]? le
Pourquoi cet injuste oubli pour les forêts qui t'ont vu si souvent, toi et tes compagnons, jouer
avec de jeunes filles sousleur feuillage P Cette source , ces ruisseaux qui arrosent ces charmantes prairies et dont les eaux sont si utiles aux forges de ton père, les as-tu oubliés? Et tous les lieux ravissants, dont l'aspect charme
les yeux des immortels eux-mêmes, sont-ils sortis de ta .mémoire? Ils paraissent plus délicieux aux hommes que la vallée de Tempé ; ils
» leur plaisent plus que l'Élysée ne plaît aux
ombres, tant la température y est douce, tant les productions du sol y sont abondantes et variées. Tu méprises donc ta patrie et les pénates paternels, malheureux enfant? Cette terre si di-
gne des muses ne sera-t-elle jamais chantée? Res-
tera-t-elle toujours ensevelie dans une indigne obscurité ? Écoute quelques conseils que je vais te donner; si tu es sage, grave mes paroles dans le fond de ton coeur: je veux que tu consacres
»,tes vers à chanter cette forge, et que tu ap;»prennes ainsi aux hommes ce qu'ils ignorent ?f,totis' , l'art d'exploiter le fer, ce métal si funeste >i»et.si précieux en même temps ; le fer, source de tant d'avantactes et de malheurs de la vie et de la mort. C'est par son secours qu'on peut labourer les terres ;incultes et sauvages, et les
DE NICOLAS BOURBON.
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». rendre assez fertiles pour rapporter aux hommes d'abondantes moissons : les arbres et les vignes dont on taille les bourgeons parasites reprennent de nouveau leur couronne de verdure et se couvrent de fruit chaque année. Avec le fer on bâtit
les maisons, on taille les durs rochers : il est utile à tous les besoins de la vie humaine. Mais, d'un autre côté , il sert d'instrument aux massa-
cres des hommes, aux funestes guerres, aux » vengeances; lancé par des machines de guerre » et par les bras de l'homme, et volant avec la
rapidité de l'oiseau, il sert à liter la terrible mort! Que si dans- ton orgueil tu refusais de nous obéir, tu sais -ce. que tu dois craindre de » ma colère pour la demeure de ton père. Il y a
peu de temps tu n'as que trop éprouvé , si tu t'en
souviens, les effets terribles de notre ressentiment ; j'ai consumé tes vers, j'ai abandonné à la proie des flammes la demeure hospitalière de ton père , et l'herbe croîtrait maintenant 'à la place de cette forge, si je n'avais été arrêté par le clément souverain de l'Olympe, qui se laissa fléchir par tes larmes et ta piété filiale. »
Il dit, et suivi de ses Cyclopes, il disparut au milieu des ténèbres. Je réfléchis longtemps sur ces paroles, frappé d'un ordre qui me venait de si haut, et je résolus d'exécuter ce qu'on me commandait. Je commence aujourd'hui même, car je ne veux pas tarder davantage, non que je craigne, Vulcain, ta foudre,
ton tonnerre, tes bruyantes tempêtes, mais je souris à l'idée de réveiller pour quelque temps mon esprit assoupi , et de permettre à son ardeur poétique de prendre un libre essor. Daigne favori-