Révisions de la page | Historique de transcription | Annales des Mines (1844, série 4, volume 6)

62

ESSAI SUR LA CLASSIFICATION

des dépressions entourées d'une enceinte de rochers arrondie ou quadrangulaire et ouverte d'un côté qui renferment quelquefois un lac à leur centre, et qui sont connues depuis fort longtemps sous le nom de cirques : il en est qui , comme le cirque de Gavarnie, sont célèbres parmi les voyageurs à cause de leur aspect pittoresque. On en rencontre dans les différentes parties des Pyrénées et dans des rochers dé natures très-diverses : ainsi les flancs du cirque de Gavarnie sont formés d'assises de calcaire crétacé, superposées au terrain de transition. Le cirque que l'on Observe près du port de Venasque et beaucoup d'autres sont situés dans les roches schisteuses du terrain de transition ; mais les plus remarquables se trou-

vent dans le granite. La bande granitique qui s'étend depuis Troumousse jusqu'à la vallée d'Es-

terry en renferme plusieurs; j'en citerai un spécialement , qui, je crois, n'a pas encore été signalé, et qui m'a paru l'un des plus remarquables de tous ceux que j'ai vus; c'est; le cirque de Géever, situé du côté de l'Espagne, sur le massif de montagnes qui sépare la vallée d'Arran de celle d'Esterry. C'est une vaste et profonde dépression au milieu d'un massif granitique, de forme circulaire , entourée d'escarpements abruptes qui s'élèvent à une grande hauteur, et qui n'offrent qu'une ouverture étroite par oit sort un torrent en se précipitant de rochers en rochers; il faut pénétrer, après une ascension fatigante, au mi-

lieu de ce grand amphithéâtre, pour jouir du

spectacle imposant et sauvage que présente cette

enceinte hérissée de pics nus et décharnés. Le cirque de Gélever, dont le fond est occupé par. un lac d'environ 2000 mètres de diamètre, pré-

DU TERRAIN DE TRANSITION DES PYRÉNÉES. 63

sente une disposition cratériforme très-bien marquée, niais les parois intérieures de la concavité sont ici très-fortement inclinées. Lorsque l'on

promène ses regards sur l'enceinte de cette dépression, on 'ne peut s'empêcher de la comparer à un cratère de soulèvement dont l'énorme profondeur et les parois escarpées n'ont pu résulter que d'un affaissement instantané, produit au moment où la masse granitique, qui s'était d'abord bombée, s'est abaissée tout d'un coup à son centre,

laissant autonr d'elle la partie extérieure de la masse qui avait déjà pris un peu de solidité (1). Je pense d'ailleurs que beaucoup des cirques des Pyrénées, et surtout ceux qui se sont formés au

milieu de niasses granitiques, ont une origine analogue, niais celui de Gelever constitue un des cratères les mieux formés, dont la nature paraît inexplicable dans l'hypothèse de commotions lentes et répétées plusieurs fois, telles que les supposent les partisans des causes actuelles. Quand on s'avance de la plaine du Languedoc Dela différence

vers les Pyrénées , on voit le niveau des collinesdse'aastP:tticelsul,leréé; tertiaires s'élever insensiblement, et les couches nées elles AlYpes. dont elles sont composées s'appuyer sur les assises calcaires du terrain crétacé. Les vallées transver-

sales coupent dans un sens presque perpendiculaire les formations stratifiées qui constituent les deux versants de la chaîne; mais leur fond est en partiecorn.blé par le dépôt diluvien, disposé sous (l) C'est la même explication que ri. Elie de Beaumont a imaginée en voyant le grand cirque de l'Oisans; je ne

connaissais pas son beau travail sur cette partie des Alpes, lorsque je visitai le cirque de Gélever ; mais la disposition des lieux me parut si bien caractérisée, que cette Idée me vint immédiatement à l'esprit.