Révisions de la page | Historique de transcription | Annales des Mines (1848, série 4, volume 13)

DÉCRETS ET ARRÊTÉS 758 et du même coup les vieilles institutions fiscales. Droit

souverain de la logique t'Et comme la restauration avait

recueilli l'héritage de l'empire, le gouvernement du 7 août 1830 reçoit celui de la restauration. Pendant dixsept ans l'impôt du sel, .condamné au triple point de vue de la science, de l'humanité, de la politique, résiste aux réclamations persévérantes de la justice et de l'opinion. Citoyens c'est à vous d'effacer définitivement cette miqnité séculaire. Si les prodigalités du régime déchu , si l'impérieuse nécessité de pourvoir aux droits du travail, si la situation extérieure de la France ne vous permettent pas une résolution soudaine, immédiatement applicable; si, en outre, aux termes mêmes des lois, il est indispensable (l'accorder un certain délai aux commerçants qui ont en magasin des quantités de sel ayant acquitté l'impôt, décidez au moins, par un décret formel, que la doctrine révolutionnaire en matière d'impôt prévaudra définitivement dans Je budget de la France républicaine, et qu'à

partir du dernier jour de cette année l'impôt du sel est

aboli dans toute l'étendue de la République. Je ne m'étendrai pas, citoyens, sur la grandeur du sacrifice que cette grande mesure impose au trésor. J'aime mieux dire quelques mots des avantages qui doivent en résulter pour le peuple. On a beaucoup discuté, on discutait encore hier sur la question de savoir si le prix vénal du sel exerçait quelque influence sur la consommation. Quelques chiffres tranchent le débat. Avant la révolution, dans les provinces de grandes gabelles, la consommation par tête était de 4 kilog. 580 gr. De 1793 à 1806, la consommation atteignait 10 kilog.

par tète. Après la loi de 180G, la consommation redescend à 6 kilog. 630 gr., et après la loi ultrafiscale de 1813, à 3 kilog. 467 gr. Maintenant, il vous sera facile de calculer la portée de ces variations, si vous vous rappelez qu'il n'est pas une substance qui joue un plus grand rôle que le sel dans la vie animale, agricole, industrielle. Le sel est pour le peuple un objet de première nécessité ; il sert à prévenir les maladies qu'engendre la mauvaise qualité des aliments ; il répare les vices d'une nourriture insuffisante et sans vigueur.

SUR LES MINES.

759 En agriculture, c'est un axiome vulgaire qu'une livre de sel fait dix livres de viande, et que six livres de foin mélangé de sel valent autant pour la nourriture des bestiaux que huit livres de foin non salé. Relativement au commerce intérieur et extérieur, la question n'a pas une moindre importance. Si le sel se ven-

eit à sa vraie valeur, il pourrait servir non-seulement

à l'assaisonnement, mais encore à la conservation des aliments ; et il serait désormais possible aux produits de la pêche française de lutter sur les marchés étrangers avec les produits similaires de l'Angleterre et des Etats-Unis. Toutefois citoyens, il ne suffit pas d'en décréter la

justice, il faut en assurer la pratique. C'est en faveur des pauvres que vous allez décréter l'abolition de l'impôt ; il faut qu'elle profite au pauvre. Vos intentions seraient violées , le sacrifice du trésor serait en pure perte, si les producteurs seuls en recueillaient le bénéfice. Sur divers points du territoire, et par-. ticulièrement dans une vingtaine de nos départements du midi et du centre , des coalitions se sont formées et subsistent qui maintiennent les prix à un taux exorbitant. Il faut que ces coalitions soient rendues impossibles. Or, pour atteindre à ce but, vous n'avez qu'un moyen : la possibilité d'une concurrence. Je vous propose donc de décréter qu'à partir du jour où l'impôt du. sel aura cessé d'être levé, les sels étrangers seront admis à l'importation, moyennant un faible droit. Cette mesure, citoyens., est d'une absolue nécessité, si vous voulez que le renchérissement des prix par le monopole soit efficacement prévenu. Et j'ajoute qu'elle ne portera aucun préjudice aux producteurs nationaux, s'ils veulent ne point abuser; car les conditions où se trouve la France pour la production du sel sont tellement favorables, que leurs intérêts se trouveront suffisamment sauvegardés par l'établissement d'un très-faible droit d'entrée. Vous avez enfin à considérer ici les intérêts de vos colonies, principalement ceux de l'Algérie et ceux de votre marine. Il y est pourvu par un article spécial du décret ci-a près.

En résumé, citoyens dans l'ordre social et politique, vous avez effacé déjà plus d'une injustice. Je vous propose de consacrer solennellement une nouvelle répara-