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LES QUESTIONS OUVRIERES
I L'ASSURANCE SOCIALE, L'ASSURANCE PUBLIQUE ET L'ASSURANCE PRIVÉE.
1.
DÉFINITIONS.
L'assurance doit être, selon moi, qualifiée de sociale lorsqu'elle s'applique à tous les individus d'un groupe social considérés en tant que groupe, c'est-à-dire à raison des caractères propres à ce groupe. L'assurance sociale ainsi définie s'oppose à l'assurance individuelle, laquelle s'applique à certains individus agissant isolément. Ainsi l'ouvrier qui s'assure librement une pension de retraite auprès d'une caisse privée ou publique ne recourt pas à une combinaison d'assurance sociale; au contraire, le patron qui, sous le régime de la liberté, assure collectivement ses ouvriers contre le risque d'invalidité réalise en faveur de l'ensemble de son personnel une organisation d'assurance sociale. Dès lors, l'assurance sociale n'implique pas le régime de l'obligation. Je ne suis donc pas de ceux qui voient dans la formation du contrat la différence entre l'assurance sociale et l'assurance privée : par exemple, pour M. Kaan, conseiller du ministère autrichien de l'Intérieur, l'assurance privée repose sur le droit privé, c'est-à-dire sur l'absolue liberté du contrat ; l'assurance sociale, au contraire, repose sur le droit public, c'est-à-dire sur l'obligation du contrat : dans une telle conception, l'assurance sociale est identifiée avec l'assurance obligatoire. Sans doute, la contrainte qui groupe l'ensemble des assujettis d'une même catégorie sociale réalise parmi les assurés le
ET LA SCIENCE ACTUARIELLE
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caractère collectif qui est le propre de l'assurance sociale ; mais elle n'est pas le seul régime qui produise cet effet : en un mot, la contrainte, si elle est une condition suffisante de la réalisation de l'assurance sociale, n'en est pas une condition nécessaire. La définition que j'ai donnée de l'assurance sociale paraît faire de l'assurance sociale le synonyme de l'assurance ouvrière : il n'en est rien. La substitution du qualificatif « social » au qualificatif « ouvrier » n'est pas indifférente. D'abord limitée à l'ouvrier proprement dit, l'assurance s'est ensuite étendue à l'employé : puis, de proche en proche, elle a voulu protéger l'universalité des travailleurs. Mais la population avide de sécurité ne se limite pas aux classes laborieuses : elle comprend la société tout entière; l'assurance qui répond à ce besoin est l'assurance sociale. En un mot, celle-ci vise, non pas exclusivement des groupes de travailleurs, mais des groupes sociaux. Le qualificatif « social » est toutefois limité aux risques qui menacent la personne de l'homme à l'exclusion de ses biens. M. Magaldi (*), directeur général du crédit et de la prévoyance au ministère italien de l'Agriculture, a signalé comme caractéristiques de l'assurance sociale le domaine des personnes assurées et la nature des risques : d'après lui, l'assurance sociale s'applique, d'une part, aux travailleurs, et, de l'autre, aux crises de la famille ouvrière. De ce double fait résulte une double conséquence : tout d'abord, l'insuffisance de l'épargne des assurés commande le recours à la solidarité sociale qui fait collaborer l'État et la Société au paiement de la prime due par l'ouvrier ; puis la connexité des risques de maladie, d'invalidité et de chômage involontaire entraine la combinaison étroite (*) Rapports présentés au 6° Vienne, 1909, I, p. 1089.
Congrès international d'Actuaires,