Annales des Mines (1881, série 7, volume 19) [Image 97]

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RECHERCHES

SUR LES EAUX DE LA SAVOIE.

Cherchons maintenant à apprécier quelle est l'influence de la composition des eaux sur la santé, particulièrement sur le goitre et sur le crétinisme, maladies qui s'accompagnent ordinairement et sont quelquefois réunies sur le même individu. On sait que cette composition exerce une influence incontestable sur la santé ; aussi, lorsqu'il s'agit d'approvisionner d'eau un centre de population, se conformant à l'exemple

donné par les Romains, on a toujours soin de faire venir l'eau la plus pure, même au prix des plus grands sacrifices. La règle généralement admise est que l'eau marque au plus 250 à l'hydrotimètre, ou mieux que le résidu de Pevaporation d'un litre ne dépasse pas 0gr,5 ; car, lorsque les eaux contiennent plus de matières minérales, elles cuisent mal les légumes et elles rendent la digestion pénible. Si l'on s'occupe spécialement des causes qui contribuent à développer le goitre, elles paraissent extrêmement com-

plexes; mais le tableau permet cependant de

se rendre

compte de l'influence des matières minérales en dissolution dans les eaux. En effet, les analyses sont ordonnées relativement à la proportion de ces matières, et lorsqu'il existe des goitreux ou des crétins, leur nombre est habituellement indiqué en même temps que le chifli.e de la population. Il est facile de constater que généralement le goitre est rare lorsque les eaux donnent un faible résidu à l'évaporation, tandis qu'il est commun dans le cas contraire. Toutefois des exceptions doivent être signalées à cet égard : car à Bon-Conseil (84) et à Bellentre (88) les eaux ne contiennent que très peu de matières minérales, et cependant les goitreux et crétins représentent près de o, 15de la population.

D'un autre côté, des eaux donnant un résidu de 0g`,7, comme à Loex (A) ou même de 1,925, comme à Viry (2), ne sont pas signalées comme donnant le goitre.

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Contrairement à une idée qui avait été formulée par 1 Grange, il ne paraît pas que les eaux des villages dans lesquels il y a le plus de goitreux soient particulièrement riches en magnésie. En Savoie, il y a même très peu de chlorure de magnésium ou de carbonate de magnésie dans les eaux; et, d'un autre côté, l'eau de Loex (h), quicontient beaucoup de sulfate de magnésie, n'est pas mentionnée comme nuisible.

Habituellement les eaux signalées comme donnant le goitre laissent un résidu élevé par l'évaporation ; elles contiennent beaucoup de carbonate de chaux et surtout de sulfate de chaux. Ce dernier sel paraît même tendre spécialement à développer le goitre. En ce qui concerne l'origine des eaux, il est à remarquer que celles provenant de la mollasse, qui sont chlorurées, mais chargées de matières minérales, semblent aussi exercer une influence malfaisante. En résumé, les eaux qui contiennent une forte proportion

de matières minérales exercent incontestablement une influence nuisible sur la santé, et l'on boit généralement de pareilles eaux dans les localités de la Savoie où les habitants sont affligés de goitre et de crétinisme. Il est possible

aussi que, dans ces localités, les eaux employées à la boisson ne contiennent pas des quantités suffisantes d'oxygène et d'acide carbonique ; qu'elles proviennent presque directement de la fonte des neiges ou des glaciers ; que, par suite, elles soient trop peu aérées et qu'elles aient en outre une température trop basse. Quoi qu'il en soit, comme le remarque M. Bouchardat (*)

dans toutes les contrées du monde où le goitre et le crétinisme règnent endémiquement, les faits observés, d'accord avec l'opinion populaire, établissent qu'une ac(*) Annuaire des eaux de la France : De l'influence de la qualité des eaux sur les maladies du goitre et du crétinisme (p. 278).