Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.
220
ROLE DE L'EAU DANS LES PHÉNOMÈNES VOLCANIQUES
Il ne me paraît pas cependant impossible de faire la preuve en apparence irréalisable qu'il demande. Tout le monde connaît la trop fameuse histoire des éruptions delà montagne Pelée à la Martinique en 1902. Depuis le 24 avril, le volcan laissait échapper une colonne immense de vapeurs et de cendres, lorsque le 8 mai, vers huit heures du matin, par un ciel serein, de très violentes détonations se succédèrent, et la première nuée ardente apparut et roula vers la ville. En quelques secondes elle anéantit Saint-Pierre et ses 28.000 habitants. Nouvelles nuées ardentes les 20 et 26 juin, ainsi que le 9 juillet. Pendant ces deux mois, la montagne resta couverte d'un épais manteau de nuages, le reste du ciel étant généralement pur. Eh bien ! ce qui fut constaté par tous les témoins, c'est qu'à chaque sortie de ces nuées ardentes qui, en se développant, finissaient par envahir l'horizon, une pluie d'eau ou de boue tombait du nuage volcanique, aussitôt qu'il atteignait les hautes régions de l'atmosphère et s'y refroidissait. Les témoignages cités par M. Lacroix, délégué de l'Académie des Sciences, dans son Rapport général (*), sont unanimes à cet égard : M. Arnoux, qui, de sa maison du Parnasse, assiste au phénomène et voit passer à côté de lui la première trombe de feu, b s'exprime ainsi (**) : « Vers 8 10, étant encore à regarder le cratère, j'en vis sortir une petite vague, suivie, deux secondes après d'une nappe considérable qui mit moins de trois secondes pour arriver à la point e du Carbet (à la mer), en môme temps qu'elle se trouvait déjà à notre zénith. .. Au milieu de ce chaos de vapeurs, je vis. d'innombrables étincelles électriques, en môme temps que les oreilles étaient assourdies par un fracas épouvantable. J'eus alors l'impression bien nette que Saint-Pierre avait été pulvérisé.... A ce moment, un vent terrible d'aspiration se leva, nous (*) La montagne Pelée et ses éruptions, Paris, 1904.
ROLE DE L'EAU DANS LES PHÉNOMÈNES VOLCANIQUES
221
opposant une forte résistance à la course. A peine étionsnous arrivés au sommet du mamelon que le soleil s 'obscurcit tout à coup, faisant place à une noirceur complète. Alors seulement nous reçûmes des cailloux; peu après les pierres, une pluie de boue s'abattit sur nous... puis ce fut une pluie torrentielle durant environ une demi-heure... après quoi le soleil perça. » Ainsi, par un ciel serein, la nuée ardente, sortie du cratère quatorze jours après le commencemeMt d'une éruption continue, apporte avec elle assez d'eau pour produire une pluie torrentielle et locale durant trente minutes environ. .
M. Lasserre échappé à la nuée ardente, grâce au galop de son cheval, se trouve à l'extrême limite de la zone antérieure de la nuée ; il termine sa déposition par ces mots : « Quand l'obscurité a eu disparu, nous avons eu une pluie tiède qui a duré un quart d'heure environ (*). » L'éruption de la montagne Pelée se continue durant des mois avec des alternatives d'accalmie partielle. M. Lacroix arrive en octobre pour étudier sur place le phénomène. Il assiste à la sortie de plusieurs nouvelles nuées ardentes et il écrit dans son rapport : « La présence de la vapeur d'eau en quantité prépondérante y était mise en évidence par sa condensation dans les parties hautes de l'atmosphère... Cette condensation n'était pas toujours assez brusque pour donner naissance à des averses de pluie; mais celles-ci n'étaient point rares, et elles nous ont souvent marqué la fin du phénomène (**). » Même observation dans l'île anglaise voisine, File de: Saint-Vincent. Le 9 juillet, MM. Anderson et Fleet, délégués par la Société royale de Londres, voient à 8 20 du soir, par un- temps remarquablement clair, sortir brus(*) lbid., p. 235. (**) lbid., p. 238.