Annales des Mines (1903, série 10, volume 4) [Image 140]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

272

AFFAISSEMENTS

PRODUITS DANS LE CHESHIRE

Malgré une exploitation longue et active, le gisement salifère du Cheshire est, en somme, peu exploré. La loi anglaise, qui réunit à la propriété du sol celle des gites souterrains, a permis la juxtaposition étroite de nombreuses exploitations sur des parcelles voisnies appartenant à des propriétaires différents, à proximité d'agglomérations importantes et des voies de communication les plus avantageuses. L'exploration méthodique, qui est, en France, la conséquence logique de nôtre système des concessions, n'avait là aucun attrait. Il s'est donc fait une concentration des exploitations sur les nappes salées de Northwich et de Winsford, dont l'exploitation intensive a donné lieu à des phénomènes de dissolution et d'affaissement d'une amplitude extraordinaire. Malgré cette exploration incomplète, on peut penser que ces nappes salées, comme celles reconnues dans les autres régions du bassin, font partie d'un système unique qui s'étendrait à toute la cuvette salifère. En effet, au centre de cette cuvette, les marnes suprasalifères n'ont qu'une cinquantaine de mètres de puissance ; elles doivent donc être partout insuffisamment protectrices pour les bancs de sel, qui ont dû subir de tous temps une dissolution naturelle très active. Cette dissolution les a même fait disparaître complètement sur de grandes étendues, divisant ainsi le gîte en lentilles plus ou moins isolées. En Meurthe-et-Moselle, le gisement est mieux recouvert; il a été beaucoup moins entamé par la dissolution naturelle ; la plus grande partie est restée intacte et sèche. Nous verrons plus tard l'intérêt de cette distinction, qui est favorable à la région lorraine. L'eau douce appelée par les pompages tend, en vertu de sa densité, à occuper toujours la partie supérieure des nappes ; de sorte que la dissolution s'étend beaucoup plus en surface qu'en profondeur et, dans le Cheshire, n'intéresse que la couche supérieure. La dissolution de cette

PAR L'EXPLOITATION

DU

SEL

273

couche, puissante de 25 à 30 mètres, engendre des excavations très importantes, d'autant plus sensibles à la surface du sol que les terrains sus-jacents ont souvent moins de 40 mètres d'épaisseur ; leur foisonnement, qui paraît être de 10 p. 100 environ, ne réduit donc que faiblement les mouvements superficiels. En Meurthe-et-Moselle, le contraire se produit ; l'épaisseur de sel attaqué est moins grande; les terrains sus-jacents sont plus épais. La présence de bancs durs dans les marnes suprasalifères donne aux affaissements une allure brusque et discontinue. En Meurthe-et-Moselle, dans les régions sérieusement atteintes, ces marnes sont tendres et les affaissements continus. Les phénomènes observés au Cheshire n'ont eu aucune conséquence pour la sécurité publique. Ils ne causent plus depuis longtemps aucune appréhension. Aucune mesure préventive n'a été proposée. Toutefois une législation spéciale a été élaborée pour assurer la réparation des dommages causés par eux. En Meurthe-et-Moselle, des mesures préventives ont été appliquées, bien que les circonstances soient plus favorables ; en revanche, il ne semble pas qu'une législation réparative s'impose. Cependant un point important au point de vue de la sécurité est à noter. En Angleterre, la construction des grandes lignes de chemins de fer est postérieure à l'apparition des grands affaissements du Cheshire. On a pu en tenir compte dans le tracé. Chez nous, au contraire, on ne prévoyait aucun phénomène de ce genre lors de la construction de la voie de Paris à Strasbourg, qui traverse la région de nos affaissements. Il y a là pour nous une infériorité qui pouvait dans une certaine mesure justifier a priori quelque appréhension.