Annales des Mines (1837, série 3, volume 12) [Image 74]

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POEME SUR LES FORGES

chauffent une autre fois le fer en le saisissant au

Moyen de tenailles solides, le tiennent au milieu des flammes, et dès qu'il est chauffé jusqu'à la chaleur blanche, le plongent dans des vases préparés à cet effet. Ils imitent ainsi les Calybes, chez lesquels est situé le fleuve Bibueras, dont les eaux adoucissent la nature du fer, le rendent plus maniable et plus propre à la fabrication des

armes. Quand il est rongé par le feu , on le prend, on le bat fortement à grands coups de marteau. Tout le pays voisin, l'air, les montagnes environnantes et les forêts en retentissent jusque dans leurs profondes retraites. On peut voir alors les blocs de fer s'étendre d'une manière

surprenante, s'effiler et prendre la forme de tringles longues et fort minces : on le prendrait pour de la cire. Quand le fer a été bien poli et

battu, c'est le devoir de mon père de le peser exactement à la fin de la semaine. Aussitôt on voit accourir le charbonnier , le terrassier, le fondeur, les forgerons; ils se rassemblent tous avec joie pour recevoir le prix fixé de leurs tra-

vaux, et joyeux ils quittent mon père. Mon

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père, pour ne pas s'exposer à priver quelqu'un du salaire qui lui revient, a un livret où il écrit tout ce qu'il doit à ses ouvriers; - il ne veut ni être trompé , ni tromper personne. De cette manière, il connaît exactement le compte de chacun. Les ouvriers sentant leur bourse garnie se réunissent bientôt pour oublier les fatigues qui les épuisent, dans la joie d'un repas. Le vin et la joie les animent. Celui-ci porte une santé à son camarade qui ronge avidement un os; celui-là est étendu à terre accablé de sommeil et fatigué

DE NICOLAS BOURBON.

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par le mauvais vin qu'il a pris La maison retentit de leurs cris; c'est une confusion inouie; ils parlent tous en même temps de différentes choses. On croirait voir les Lapithes, en apercevant les coupes voler de tous côtés, les luttes qui s'engagent , les tables renversées,

et le sang qui coule souvent. Telles sont les fureurs auxquelles se livre ordinairement la

vile populace quand elle est égarée par le vin. Enfin il résulte de cette débauche, qu'un seul jour leur enlève le fruit des fatigues qu'ils ont endurées en travaillant jour et nuit , et les réduit ensuite à une longue pauvreté. Pourquoi s'en étonner? Ils ne font qu'imiter la conduite et les moeurs des grands; car, lorsque les pasteurs dorment, les troupeaux s'égarent; niais -ne nous trompons pas, je ne veux pas dire que leur avidité sommeille, car est-il rien de comparable à l'activité qu'ils déploient pour augmenter leurs revenus, pour défendre les iniquités qui servent de base à leurs fortunes, pour l'aire tomber le malheureux peuple dans leurs filets, et le-rendre victime de leurs ruses criminelles. Mais quelle est mon imprudence! Pourquoi , malheureux Bourbon, t'exprimes-tu avec cette téméraire franchise? Pourquoi, insensé, ne cherches-tu pas à capur la faveur de ces grands? Pour moi, jusqu'ici, j'ai seulement effleuré mon sujet; j'ai passé par prudence, sur le chapitre du fer, plusieurs choses qui méritent d'exciter notre intérêt ; j'ai omis de nombreux détails qui m'ont paru demander un poète moins jeune que moi et un ouvrage volumineux. Quant aux parties que j'ai fait connaître, je les ai traitées légère-